François et Nicolas TAQUET

NOS ACTUALITÉS

Contester un redressement URSSAF : mode d’emploi par la Cour de cassation

Contester un redressement opéré par l’URSSAF peut s’avérer complexe, même pour un juriste aguerri. Plusieurs procédures existent et divers actes interviennent. En outre, la Cour de cassation n’a pas toujours eu la même interprétation des textes. Dans une décision du 14 novembre 2024, elle a fourni un véritable mode d’emploi, simple à utiliser (Cass. civ. 2, 14 novembre 2024, n° 22-23.710, F-D).

Contester une mise en demeure

La décision de recouvrement est la « mise en demeure » visée à l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale. C’est en priorité cette décision qui doit être contestée par le cotisant qui s’oppose au redressement. A cet égard, la Cour de cassation juge que « la contestation formée à l’encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l’organisme créancier dans un délai d’un mois à compter de sa notification ».

Pratiquement, lorsqu’il a saisi la Commission de Recours Amiable, le cotisant dispose alors de deux voies pour poursuivre la contestation (art. R. 142-6 du code de la sécurité sociale) :

  • Soit le cotisant laisse la commission statuer sur sa réclamation. Dans ce cas, il attendra la notification de la décision ;
  • Soit il fera application des dispositions de l’article R. 142-6 du Code de la Sécurité sociale aux termes desquelles, lorsque la décision du conseil d’administration ou de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois, l’intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le Tribunal. Ce délai de deux mois court à compter de la réception de la réclamation par l’organisme de Sécurité sociale. Toutefois, si des documents sont produits par le réclamant après le dépôt de la réclamation, le délai ne court qu’à compter de la réception de ces documents.

Ainsi, le cotisant dispose d’un choix : soit laisser la commission statuer sur son différend, soit accélérer la procédure en saisissant le Tribunal en l’absence de décision de la commission un mois après sa saisine.

Former opposition à contrainte

Toutefois, parallèlement à cette procédure de contestation, ou, s’il n’a pas saisi la Commission de recours amiable, conformément à l’article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale l’URSSAF est tout à fait en droit de faire signifier une contrainte. La Cour de cassation note à ce sujet que « si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, le directeur de l’organisme créancier peut décerner une contrainte à l’encontre de laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification ». Ainsi, la seule condition permettant à l’URSSAF de décerner une contrainte et l’absence de paiement de la dette dans le délai d’un mois. Cela signifie que même s’il a contesté la mise en demeure devant la CRA, le cotisant n’est pas à l’abri de se voir signifier une contrainte.

Cela signifie également que le cotisant qui n’a pas contesté la mise en demeure devant la CRA dispose d’une « session de rattrapage » avec la contrainte. Il n’aura alors qu’à attendre que la contrainte lui soit signifiée par voie d’huissier. A cet égard, la Cour de cassation estime que : « Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d’une contestation de la mise en demeure et qui (…) n’a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n’a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose de recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l’objet de la contrainte, que par la seule voie de l’opposition à contrainte ».

La question s’est posée toutefois de savoir si, dans le cadre d’une opposition à contrainte et en l’absence de saisine de la CRA contre la mise en demeure, le cotisant tait en droit de soulever tous les arguments qu’il souhaitant et notamment des arguments de procédure.

La réponse de la Cour de cassation est clairement positive : « Le cotisant qui n’a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l’appui de l’opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte ».

Nicolas Taquet

Avocat au Barreau de Pau

Faire annuler un PV de travail dissimulé, c’est possible

Les pouvoirs des agents de contrôle (inspection du travail, URSSAF …) sont extrêmement importants lorsque l’administration recherche des faits de travail dissimulé. Mais ils doivent tout de même y mettre les formes. C’est ainsi que l’on pourrait résumer cette affaire ayant donné lieu à un jugement du Tribunal Judiciaire de Lille du 12 novembre 2024 (TJ Lille, Pôle social, 12 novembre 2024, n° 22/01387).

Un banal contrôle de l’inspection du travail

L’histoire était banale. La DIRECCTE (inspection du travail) a opéré un contrôle inopiné dans un boulangerie du Nord de la France afin d’y rechercher d’éventuels faits de travail dissimulé. Dans son procès-verbal de constat, l’inspecteur du travail note : « Nous pénétrons dans l’établissement (…) et constatons la présence de trois travailleurs, une personne derrière le comptoir occupée à servir des clients, une autre à l’arrière du commerce dans le laboratoire, occupée à faire du pain, et une 3ème personne occupée à réceptionner des marchandises. Après avoir décliné nos noms, fonctions et annoncé l’objet de notre contrôle, nous relevons leur identité, et leurs déclarations avec leur consentement ».

Le problème est que ces personnes sont visiblement inconnues de l’administration et n’ont pas été déclarées. Après transmission du procès-verbal à l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, celle-ci a opéré un redressement pour travail dissimulé de 10.642,00 euros.

La société a d’abord contesté cette mise en demeure devant la Commission de Recours Amiable, en vain, puis a saisi le Tribunal Judiciaire de Lille.

Se posait devant le Tribunal la question de la légalité des auditions des salariés.

Pas d’audition sans consentement des salariés

En effet, aux termes de l’article L.8271-6-1 du code du travail, les agents de contrôle mentionnés à l’article L.8271-1-2 « sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d’emploi et le montant des rémunérations s’y rapportant, y compris les avantages en nature ». De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l’accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.

Toutefois, conformément à l’article 28 du code de procédure pénale, l’article 61-1 du même code est applicable lorsqu’il est procédé à l’audition d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Ces auditions peuvent faire l’objet d’un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues. Ces agents sont en outre habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l’entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu’à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l’exercice de leur mission de justifier de leur identité et de leur adresse.

Enfin, aux termes de l’article R.243-59 II in fine du code de la sécurité sociale, lorsqu’il est fait application des dispositions de l’article L.8271-6-1 du code du travail, il est fait mention, au procès-verbal d’audition, du consentement de la personne entendue. La signature du procès-verbal d’audition par la personne entendue vaut consentement de sa part à l’audition.

Le Tribunal Judiciaire de Lille résume en indiquant que « lorsque les inspecteurs procèdent à des auditions au cours de leurs opérations de contrôle de lutte contre le travail illégal, le consentement de la personne auditionnée qui prend nécessairement la forme d’une signature doit figurer sur le procès-verbal de constatation d’infraction ».

Une signature manque et tout est annulé

Or, en l’espèce, après avoir analysé le contenu des échanges entre les agents de contrôle et les salariés, le Tribunal note que : « les inspecteurs en charge du contrôle n’ont pas seulement recueilli l’identité et les déclarations spontanées des personnes présentes sur les lieux mais ont bien procédé à l’audition de ces personnes susceptibles de leur fournir des informations dans le cadre de leur mission contre le travail illégal. Les inspecteurs du recouvrement ont par ailleurs choisi de relater la teneur de ces auditions sur le procès-verbal de travail dissimulé.

Le Tribunal estime donc que « Si l’article L.8271-6-1 du code du travail laisse aux inspecteurs du recouvrement le choix d’établir un procès-verbal relatant les auditions auxquelles ils ont procédé – « ces auditions peuvent faire l’objet d’un procès-verbal… », dès lors qu’un tel procès-verbal est dressé, celui-ci doit être signé par les agents de contrôle et par la personne entendue. Or, le procès-verbal de travail dissimulé relatant les auditions ci-dessus n’est signé que par l’inspecteur du travail, en violation de l’article L.8271-6-1 du code du travail qui est d’interprétation stricte dès lors qu’il confère des pouvoirs d’investigation aux agents de contrôle. Dans ces conditions, le procès-verbal de travail dissimulé, irrégulier, doit être annulé, tout comme le redressement subséquent ».

Nicolas Taquet

Avocat au Barreau de Pau

Nullité d’un redressement car l’URSSAF ne prouve pas que le signataire disposait d’une délégation de signature

Le 29 octobre 2024, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence vient de rendre deux arrêts d’annulation de redressements. Sa motivation est la suivante.

Selon les dispositions de l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles.

La contrainte est généralement signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice. A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

Surtout, la jurisprudence exige que la contrainte soit signée par son auteur, c’est à dire le directeur de l’organisme de recouvrement ou son délégataire.

De même selon la Cour de cassation a jugé que le directeur de l’URSSAF peut déléguer sa signature à un agent, ce délégataire n’ayant pas à justifier d’un pouvoir spécial pour signer les contraintes décernées par l’organisme de recouvrement (Soc 30 mai 2002, pourvoi n° 00-14.512), elle est régulièrement signée si elle l’est par ce délégataire (Soc 12 juillet 1988, pourvoi n° 86-10.636).

Toutefois, en cas de contestation régulièrement soulevée dans le cadre d’une opposition à contrainte,  l’URSSAF doit justifier l’existence et de l’antériorité de la délégation par rapport à la contrainte, faute de quoi, celle-ci doit être considérée comme ayant été signée par une personne incompétente.

Ici, la Cour d’appel souligne que « la contrainte du 12 juin 2014 a été décernée à M. [W] par la caisse du RSI sous la signature de M. [R] [M], désigné ‘le directeur ou par délégation’. Or, l’URSSAF ne justifie pas de la qualité du signataire de la contrainte à la date de la signature. Elle ne répond d’ailleurs pas à ce moyen soulevé par l’appelant. Ce défaut de justification de la qualité du signataire de la contrainte et l’absence de tout moyen en défense formé par l’intimée entrainent de facto la nullité de la contrainte » (CA Aix-en-Provence, 29 oct. 2024, n° 24/04505, n° 24/04506).

Dans ces conditions, la cour infirme le jugement entrepris, annule la contrainte et déboute l’URSSAF de sa demande en paiement.

Nicolas Taquet

Avocat au barreau de Pau

L’avis de contrôle URSSAF ne mentionne pas précisément le lien pour accéder à la Charte du cotisant ? C’est la nullité du redressement

Selon l’article R. 243- 59 du code de la sécurité sociale, tout contrôle URSSAF doit débuter par l’envoi en LRAR, d’un document appelé « avis de contrôle ». Cet avis de contrôle doit être envoyé au moins 30 jours avant le début des opérations de contrôle.

Ce document doit faire état de l’existence d’un autre document intitulé « Charte du cotisant contrôlé » présentant à la personne contrôlée la procédure de contrôle et les droits dont elle dispose pendant son déroulement et à son issue, sur le fondement du même code.

L’avis de contrôle doit préciser l’adresse électronique où ce document est consultable et doit indiquer qu’il est adressé au cotisant sur sa demande.

Cette formalité substantielle doit être respectée à peine de nullité des opérations de contrôle.

Dans une affaire récemment jugée par la Cour d’Appel de Rouen, l’avis de contrôle envoyé à une société mentionnait uniquement que la Charte pouvait être consultée à l’adresse suivante www.urssaf.fr.

Or, à partir de ce portail général, il est nécessaire d’effectuer cinq opérations successives pour accéder à la charte, à savoir, après avoir accédé à la page d’accueil du site de l’Urssaf, sélectionner son statut (employeur, indépendant, particulier, artiste-auteur- diffuseur ou marin), une fois arrivé sur la page dédiée aux employeurs, écrire dans l’espace recherche : ‘charte du cotisant contrôlé’ puisque si plusieurs encarts mentionnent des problématiques sur lesquelles l’Urssaf souhaite communiquer, aucun n’évoque les contrôles de l’Urssaf.

Ensuite, alors que plusieurs résultats apparaissent, il y a lieu d’opter pour le résultat nommé ‘contrôle’ puis, une fois qu’il est choisi, il convient d’ouvrir l’encart intitulé ‘liens utiles’, aucune de ces opérations ne mentionnant qu’elle permet d’avoir accès et de télécharger la charte.

Le problème est que la société était spécialisée dans les travaux de maçonnerie générale et de gros œuvre de bâtiment. Ses dirigeants indiquaient ne pas être habitués aux difficultés administratives générées par le site internet de l’Urssaf et affirmaient ne pas avoir été en mesure de consulter la charte du cotisant.

Cependant, la Cour d’Appel de Rouen constate que l’avis préalable au contrôle ne mentionne pas la possibilité de consultation par un raccourci, qu’il ne ressort pas des éléments produits que ce raccourci existait effectivement à la date de l’envoi de l’avis préalable de contrôle, soit le 25 avril 2018.

Elle observe que « depuis 2024, l’Urssaf a fait évoluer ses pratiques en ce que ses avis préalables à contrôle indiquent expressément l’existence de ce raccourci ».

Elle en conclue que « l’adresse électronique indiquée dans l’avis de contrôle ne permettait pas au cotisant de consulter aisément la charte avant le début des opérations de contrôle ».

Elle ajoute que « l’Urssaf, qui est débitrice de l’obligation de porter à la connaissance du cotisant contrôlé le contenu de la charte, ne saurait lui reprocher de ne pas avoir sollicité la communication de celle-ci, ni se prévaloir utilement de ce qu’il disposait de moyens informatiques lui permettant d’accéder audit site et qu’il ne rapporte pas la preuve de difficultés rencontrées pour y accéder ».

La Cour estime que l’avis de contrôle est nul, ce qui entraine la nullité de l’entier redressement (CA Rouen, 18 octobre 2024, n° 22/01050).

Nicolas Taquet

Avocat au Barreau de Pau

Redressement URSSAF et procès-verbal pour travail dissimulé :  pourquoi tant de haine ?

Il est des principes, parfois même fermement établi, qui, par le simple effet du temps, perdent naturellement de leur éclat et finissent, lorsque plus personne ne comprend leur réelle justification, par être abandonnés, tel un fruit trop mûr.

En droit de la sécurité, c’est assurément le principe de non communication du PV en matière de travail dissimulé que nos descendants juristes jugeront sévèrement.

Dans un récent arrêt du 5 septembre 2024, la Cour de cassation a censuré un arrêt de la Cour d’Appel de Pau, qui pourtant, n’avait, selon-nous, rien de révolutionnaire, en estimant que « l’absence de production aux débats du procès-verbal constatant les infractions de travail dissimulé n’affecte pas la régularité de la procédure » (Cass. Civ. 5 septembre 2024, n° 22-18.226). Ainsi, notre Cour suprême résiste encore et toujours, de façon aussi téméraire qu’incompréhensible au nombreuses tentatives de remise en question de ce principe, que nous n’hésitons pas à qualifier de « moyenâgeux ».

 

La Cour de cassation maltraite le principe du contradictoire et le droit à la preuve

Que l’on se rende bien compte : la Cour de cassation estime non seulement que le procès-verbal n’a pas à être envoyé au cotisant au cours de la procédure contradictoire, ce qui est déjà peu compréhensible. Mais plus grave encore, elle juge également que même si le cotisant conteste jusqu’à l’existence d’un procès-verbal, le simple fait que l’URSSAF ne verse pas ce PV au dossier judiciaire n’entraine pour autant pas la nullité du redressement.

Disons-le sans détour : cette position de la Cour de cassation nous semble extrêmement douteuse. En effet, le redressement fondé sur des fait de travail dissimulé ne peut être opéré que sur la base d’un constat de travail dissimulé. Ainsi, un PV est nécessaire, sur la base duquel l’organisme notifiera la lettre d’observation puis la décision de recouvrement. Bien sur l’article 9 du code de procédure civil dispose que « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Mais le cotisant qui conteste ce point, n’a absolument aucun moyen pour prouver ses prétentions (comment prouver l’inexistant ?). En contestant soit l’existence du PV, soit la matérialité des faits, il renverse alors la charge de preuve qui incombe désormais à l’URSSAF. Mais sans transmission du PV à la juridiction, et alors que ce point est contesté, il est clair que l’URSSAF place la juridiction dans l’incapacité de statuer au fond et les force donc à annuler le redressement. C’était exactement le raisonnement suivi par la Cour d’Appel de Pau (qui avait annulé le jugement du Tribunal de Tarbes) :

« dès lors que la contestation porte sur l’existence du procès-verbal de travail dissimulé et sur le chiffrage du redressement fondé sur les éléments de l’enquête contenus dans ce procès-verbal, l’Urssaf Midi-Pyrénées ne peut, comme en l’espèce refuser sa production, sans méconnaître le principe contradictoire et donc les droits de la défense, ce d’autant que la Sarl [W] justifie en pièce 15 que la communication dudit procès-verbal lui a été refusée par le parquet de Tarbes le 9 mai 2016. En conséquence, à défaut pour l’Urssaf Midi-Pyrénées de permettre toute vérification au fond dans le respect du principe contradictoire, il convient d’annuler la mise en demeure du 15 avril 2016 » (CA Pau, ch. soc., 28 avr. 2022, n° 19/00650).

La sanction est logique et nécessaire. Ce n’est donc absolument pas un problème de procédure, mais un problème de fond : l’URSSAF ne prouve pas l’existence de ce PV ou la matérialité des faits à l’origine du redressement litigieux. En l’absence de preuve formelle et alors que le fond est contesté, la juridiction sociale est tenue d’invalider le redressement URSSAF.

Dès lors et au regard de ces élément, nous ne parvenons pas à comprendre la position de la Cour de cassation, d’autant que celle-ci raccroche ce problème à un point procédural, ce qu’il n’est absolument pas. Au final, c’est donc bien le principe du contradictoire ainsi que le droit à la preuve qui sont maltraités dans cette affaire.

Pire : la Cour de cassation semble même se contredire. En effet, en matière de solidarité financière entre un donneur d’ordre et son sous-traitant, par arrêt du 23 juin 2022, la Cour de cassation a jugé que si la mise en œuvre de la solidarité financière n’est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l’encontre du cocontractant, « l’organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d’ordre de l’existence ou du contenu de ce document ».

Pourquoi en irait-il différemment hors solidarité financière ?

En déroulant le fil de cette décision de la Cour de cassation, le principe dégagé nous parait même extrêmement dangereux car il et déclinable presque à l’infini en matière de contentieux de la sécurité sociale. Par exemple, un cotisant qui n’aurait pas reçu de mise en demeure avant de se voir signifier une contrainte devrait prouver au Tribunal qu’il n’a pas reçu de mise en demeure, sans pouvoir inverser la charge de la preuve ?

Comme nous sommes ambitieux, non seulement nous plaidons bien entendu non seulement pour l’obligation, pour l’URSSAF, de verser le PV au stade judiciaire, mais plus encore : nous estimons que le PV de constat de travail dissimulé devrait être joint à la lettre d’observations, ou, à tous le moins, que mention soit faite du droit d’accès à ce PV lorsque le cotisant en fait la demande durant les 30 jours à compter de la réception de la lettre d’observations.

 

De l’intérêt d’avoir accès au PV au stade contradictoire

Signalons d’emblée que la volonté partagée (par de nombreux cotisants et surtout leurs avocats) d’avoir accès au procès-verbal n’est pas une énième coquetterie juridique ou une ultime argutie technique.

Au-delà des aspects juridique qui, selon-nous, imposent cette transmission, la communication du PV aurait d’indéniables effets pratiques qu’il convient d’envisager.

D’abord et bien sûr, la transmission du PV aurait un aspect pratique pour le cotisant :

En effet, le procès-verbal contient l’ensemble des faits qui fondement les poursuites litigieuses. Il est un document dont la connaissance et la lecture est absolument nécessaire pour faire utilement valoir ses observations lors de la procédure contradictoire.

Plus encore, ce document est nécessaire, ne serait-ce que pour évaluer la pertinence, ou non, d’exercer une voie de recours.

En outre, la personne visée n’a pas forcément connaissance du contenu du document au prétexte qu’il serait l’employeur. En effet, il arrive fréquemment que les employeurs ne soient pas présents lors des contrôles, ceux-ci se réalisant ainsi en présence des salariés qui n’ont pas nécessairement connaissance des informations pertinentes et qui peuvent retransmettre de façon erronée le déroulement du contrôle à leur employeur.

Mais cette transmission serait également bénéfique à l’organisme : signalons d’abord que l’organisme est souvent forcé, lorsque les faits sont contestés devant le juge, de verser le procès-verbal lors des débats contradictoires devant la juridiction. Exiger de l’organisme qu’il fournisse ce procès-verbal dès la procédure contradictoire n’aurait pour ce dernier aucun autre effet que celui de devancer cette communication de quelques semaines/mois.

Surtout, l’organisme permettant à l’employeur de prendre connaissance du procès-verbal en cours de procédure contradictoire recevra de sa part des observations utiles. A la vue de ces observations utiles, l’organisme pourra soit modifier sa position (dans une optique précontentieuse et afin d’échapper à une censure du juge), soit aller au bout de la démarche initiée, en étant toutefois d’autant plus confiant dans sa position.

Un employeur qui constaterait, eu égard à la solidité des constats effectués, l’inutilité d’une démarche judiciaire se contenterait alors de solliciter des délais de paiement. Lorsque l’on sait que sur l’année 2023 et pour les seuls infractions de travail dissimulé, seuls 79,6 millions d’euros ont été recouvré pour 1,17 milliards d’euros redressés (soit un taux de recouvrement de … 6,8 %), on est clairement en droit de se dire que les URSSAF feraient sans doute mieux de concentrer leurs effort sur la partie recouvrement.

Enfin, le juge lui-même pourrait également en tirer parti: on l’aura compris, exiger la production du procès-verbal dès le stade contradictoire permet de clarifier les positions de chaque partie. Cela radicalise le débat contradictoire, ce qui est largement bénéfique au juge.

D’un point de vue très pratique, un employeur constatant à la lecture du procès-verbal que les faits indiqués par l’organisme sont clairement établis sera nécessairement moins tenté d’engager une action judiciaire. Certains contentieux pourraient ainsi être évités, l’employeur pouvant alors se contenter de solliciter des délais de paiement ou un échelonnement de sa dette.

Dans le cas inverse, l’employeur contestant la mise en demeure ou la contrainte ne sera pas obligé d’attendre la production du procès-verbal par l’organisme dans le cadre de l’instruction pour contester les faits. Dès ses premières conclusions, il contestera immédiatement la matérialité des faits. Le contentieux se cristallise ainsi immédiatement sur les points importants, écourtant ainsi la procédure judiciaire de plusieurs mois.

 

Juridiquement, rien de s’y oppose …

Classiquement, deux arguments sont sempiternellement opposés par les juridictions judiciaires afin de contrer une demande d’annulation de la procédure fondée sur l’absence de production du provès-verbal au stade contradictoire.

Premièrement, les juridictions estiment que le droit ne prévoit pas la communication du PV au stade contradictoire (Cass civ. 2°. 13 octobre 2011 pourvoi n° 10-19389, 4 mai 2017, pourvoi n° 16-15948, 14 février 2019, pourvoi n°18-12150, 8 avril 2021 pourvoi n° 19-23728, et n° 20-11126, Nancy, Section, 21 Juin 2022 RG n° 21/02388, Paris. Pôle 6 Chambre 12. 2 septembre 2022. RG n° 18/08890, Nîmes. 5e chambre Pole social. 16 mai 2023. RG n° 20/02141, Amiens, 2° protection sociale. 11 juillet 2024, RG n° 23/01055).

Ne tournons pas autour du pot, cela est vrai.

Pour autant, le simple fait que le droit soit muet sur ce point empêche t’il cette communication ? Plus encore, dans le silence des textes, l’URSSAF n’a-t-elle pas tout de même l’obligation de communiquer le PV au stade contradictoire ?

La réponse est assurément positive.

En effet, la question de la communication du procès-verbal de constat en amont de la sanction ou de la décision est à inscrire dans celle, plus large, des droits de la défense. Et sur ce point, la position du Conseil constitutionnel est éclairante et devrait, à elle seule permettre de résoudre ce problème. Il résulte en effet d’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel que « le principe de droits de la défense s’impose aux autorités disposant d’un pouvoir de sanction sans qu’il soit besoin pour le législateur d’en rappeler l’existence » (décision n° 2010-69 QPC du 26 novembre 2010 cons. 4 ou encore la décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, cons. 16 à 18).

Ainsi, le silence des textes législatifs sur ce point ne saurait être interprété comme n’imposant pas le respect des droits de la défense. Voilà qui invalide donc totalement la position des juridiction judiciaires.

Deuxièmement, les juridictions estiment que la communication du procès-verbal de travail dissimulé contreviendrait au principe du secret de l’instruction. En effet, un procès-verbal de constat est avant tout un acte de police judiciaire, transmis au Parquet qui pourra engager des poursuites pénales.

Mais en plus d’être de mauvaise foi, l’argument est juridiquement contestable au moins au regard de la jurisprudence administrative équilibrée rendue en la matière.

D’une part, on le sait, très peu de dossiers font l’objet de véritables poursuites pénales. Plus encore, en admettant même que cela soit le cas, cette restriction d’accès semble injustifiée et surtout inutile, dès lors que le cotisant finira dans tous les cas par avoir accès à ce procès-verbal s’il est finalement convoqué devant la juridiction pénale … En réalité, les temporalités de la procédure pénale et de la procédure de redressement URSSAF sont substantiellement différentes (la procédure pénale est généralement plus rapide que la procédure URSSAF surtout lorsque l’employeur bénéficie d’une alternative aux poursuites telles une transaction pénale).

D’autre part, il est vrai que l’article 11 al. 1 du Code de procédure pénale dispose « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète ». Il est tout aussi vrai que les procès-verbaux de constat ne sont pas considérés comme des documents administratifs communicables au sens et pour l’application des dispositions de l’ancienne loi du 17 juillet 1978. Toutefois, est-ce à dire que le cotisant ne pourra jamais en avoir connaissance ? Non, répond le Conseil d’État qui a du se pencher sur la même question. Dans un arrêt du 29 juin 2016, cette même question de la communication du procès-verbal de constat de travail illégal lui a été posé. La Haute Juridiction administrative a donné son feu vert à la communication du document en cours de procédure contradictoire. Il a écarté l’argument tenant au caractère « judiciaire » du PV en estimant que : « il appartient seulement à l’administration, le cas échéant, d’occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l’infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales ».

 

Au contraire, tout l’impose …

Si rien ne s’oppose à la communication du procès-verbal en cours de procédure contradictoire, qu’est ce qui l’oblige pour autant ?

Là encore, la réponse est clairement constitutionnelle : selon le Conseil constitutionnel, aucune sanction « ne peut être infligée sans que [la personne concernée] ait été [mise] à même tant de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés que d’avoir accès au dossier [la] concernant » (décision n° 88-248 DC du17 janvier 1989, cons. 29 ou encore la décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014, cons. 69).

Et l’on pourrait presque s’arrêter là …

En effet, le Conseil d’Etat se contente, depuis plusieurs années, de décliner ce principe constitutionnel.

Justement, en matière de travail illégal, l’OFII (établissement public de l’Etat) avait le pouvoir de sanctionner les employeurs d’étrangers sans titre (c’est-à-dire ayant commis le délit de travail illégal). Dans la décision précédemment mentionnée du 29 juin 2016, la Haute Juridiction administrative a jugé que : « s’agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu’elle en fait la demande ». Il est intéressant de noter que le Conseil d’État vise effectivement l’article 16 de la DDHC et s’appuie sur « le principe général des droits de la défense ». Dans le silence des textes, c’est donc, selon le Conseil d’État, un PDG qui fonde cette obligation de communication. Le même PDG devrait également être appliqué par la Cour de cassation …

Depuis, le principe a été réitéré dans d’autres domaines : fermeture administrative d’un débit de boisson (TA Cergy-Pontoise, 23 janvier 2024, n° 2106775 ; TA Besançon, 11 avril 2024, n° 2301035), amende administrative (TA Nîmes, 13 avril 2023, n° 2101614 ; TA Caen, 14 avril 2023, n° 2100685), suspension du droit d’exercer (TA Nouvelle-Calédonie, 27 juin 2024, n° 2300463) exclusion disciplinaire (TA Cergy-Pontoise, 12 octobre 2023, n° 2214055 ; TA Grenoble, 23 février 2024, n° 2108117) … Bref, dès lors qu’une autorité administrative engage une procédure pouvant mener à une sanction, la personne visée a droit d’accéder à son dossier la concernant durant la phase contradictoire préalable à la sanction. Et il est clairement admis qu’un redressement URSSAF pour travail dissimulé constitue bien une sanction (Décision n° 2010-69 QPC, Claude F., 26 novembre 2010).

Cette évolution de la jurisprudence du Conseil d’état a été aussi permise par l’entrée en vigueur du Code des Relations entre le Public et l’administration (CRPA, également applicable aux URSSAF via l’article L. 100-3), dont l’article L. 122-2 ne dit pas autre chose : les sanctions « n’interviennent qu’après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ».

Cette précision textuelle a même permis au Conseil d’État d’aller beaucoup plus loin. Depuis une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d’Etat exige que : « la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus » (CE, 30 décembre 2021, N° 437653, B). Comme le soulignait le Rapporteur public dans cette affaire : « il est difficile à nos yeux de soutenir qu’une personne devant deviner d’elle-même, par ses propres recherches, qu’elle peut solliciter la communication de ces PV est « mise à même de le faire » ; c’est faire abstraction de l’inhibition que peuvent éprouver les administrés à l’égard de l’autorité administrative et minorer le fait qu’ils n’ont pas toujours connaissance de l’étendue de leurs droits ». Désormais, et depuis cette décision, dés lors qu’une autorité administrative entend sanctionner un administré, le courrier entamant la procédure contradictoire doit indiquer à cette personne qu’elle a la possibilité de demander la communication de son dossier (et en particulier du procès-verbal de constat lorsqu’il en existe un).

Ce principe est aujourd’hui petit à petit repris (ex : CAA de Versailles, 6 février 2024, n°21VE01220, C+ : retrait de l’agrément d’une société d’ambulance par l’ARS).

Désormais, et chose rare, le Conseil d’Etat a donc clairement trois coups d’avance sur la Cour de cassation :

  • Il censure la position de l’administration lorsqu’elle ne prouve pas les faits litigieux notamment en ne versant pas au dossier le procès-verbal, alors que ceux-ci sont contestés par l’administré ;
  • Il censure la procédure suivie par l’administration lorsque la sanction est intervenue lorsque durant la procédure administrative contradictoire, l’administré a sollicité en vain le dossier le concernant ;
  • Il censure la procédure suivie par l’administration lorsque celle-ci n’a pas informé l’administré de son droit d’avoir accès à son dossier durant la phase contradictoire.

Le combat continue.

Nicolas Taquet

Avocat au Barreau de Pau

Nouvelle victoire du cabinet contre l’URSSAF : deux mots vous manquent et tout est annulé

Nouvelle victoire pour notre cabinet devant le Tribunal Judiciaire de Marseille.

Ici après un contrôle expéditif, notre cliente, une association œuvrant dans le domaine de l’action sociale avait été mise en demeure de régler la rondelette somme de 101.227,00 euros de cotisations.

La mise en demeure était vainement contestée devant l’inutile Commission de Recours Amiable.

Le Tribunal Judiciaire de Marseille lui, annule complétement le redressement au visa de l’article R. 253-59 du code de la sécurité sociale.

Il estime que « toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d’une mise en demeure adressée à l’employeur l’invitant à régulariser sa situation dans le mois. En l’espèce, la mise en demeure du 14 novembre 2017 adressée à l’association ne mentionne aucun délai pour procéder au paiement à l’URSSAF des sommes réclamées et régulariser sa situation. En l’absence de mention exprès de ce délai, la mise en demeure est insuffisamment précise et ne peut servir de fondement à l’obligation de paiement des sommes qui en sont l’objet. En conséquence, la mise en demeure adressée le 14 novembre 2017 à l’association doit être déclarée nulle et de nul effet ».

La simple absence de la mention de l’obligation de régler le redressement sous « un mois » entraine la nullité du redressement.

Pour télécharger le jugement, cliquez ici : TJ Marseille, 4 juin 2024, N°RG 18/01995 

Nicolas Taquet

Avocat au Barreau de Pau

Victoire du cabinet : L’URSSAF réclamait le remboursement d’aides accordées durant le COVID

Victoire du cabinet devant le Tribunal Judiciaire de Poitiers.

Notre cliente avait reçu un mystérieux remboursement de cotisations.

Interrogée par notre cliente, l’URSSAF lui répondait qu’il s’agissait d’aides accordées aux entreprises (aide au paiement des cotisations et exonérations de cotisations) et lui confirmait bien son éligibilité à ces dispositifs.

Mais quelques mois plus tard, notre cliente avait la surprise de recevoir un courrier lui demandant de rembourser ce trop perçu …

Le Tribunal considère que « le comportement de l’URSSAF a nécessairement induit la SARL en erreur qui a sollicité, de bonne foi, les exonérations de cotisations patronales et les aides au paiement liées à la période COVID, conformément aux courriers antérieurs de l’URSSAF, assurant de son éligibilité aux dites mesures. Ce changement de position soudain de l’URSSAF caractérise un manquement à son obligation d’information et de conseil, constitutif d’une faute emportant sa responsabilité quasi délictuelle ».

Pour télécharger le jugement, cliquez ici : TJ Poitiers, 4 juin 2024, N° RG 24/00203

Nicolas Taquet

Avocat au Barreau de Pau

La Cour d’Appel de Rennes donne une leçon de droit à l’URSSAF

Dans un savoureux arrêt du 15 mai dernier, la Cour d’Appel de Rennes se montre pédagogue avec l’URSSAF de Bretagne et lui explique la procédure qu’elle aurait dû suivre. Elle annule le redressement pour un montant de près de 150 000 euros (CA Rennes, 15-05-2024, n° 20/02257, Infirmation partielle) ».

Deux procédures différentes

L’organisme de recouvrement peut procéder au redressement de cotisations pour travail dissimulé dans deux situations distinctes :

  • Lorsque a été mise en oeuvre la procédure de contrôle spécifique à la recherche des infractions aux interdictions de travail illégal et qu’un procès-verbal de travail dissimulé a été établi à l’encontre de l’employeur, le redressement étant calculé sur la base des informations contenues dans ce procès-verbal (2e Civ., 31 mai 2018, pourvoi n° 17-18.584, 2e Civ., 19 décembre 2013, pourvoi n° 12- 27.513, Bull n° 241) ;
  • Lorsque, à l’occasion de la procédure de contrôle de l’application de la législation de la sécurité sociale prévue par l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, elle relève l’existence d’une situation de travail dissimulé justifiant le redressement des cotisations soustraites aux déclarations sociales (2e Civ., 7 juillet 2016, pourvoi n° 15-16.110, Bull n° 190).

La Cour de cassation a rappelé cette double possibilité de recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé sur le fondement du code du travail et lors d’un contrôle effectué sur le fondement de l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale à l’occasion de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité (2e Civ., 20 juillet 2021, pourvoi n° 21- 10.825).

La Cour d’Appel indique que « Dans le premier cas, le redressement est régi par les articles L. 8271-1 et suivants du code du travail et l’article R. 133-8 du code de la sécurité sociale. Dans le second cas, le contrôle est régi par l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale et l’article R. 243-59 du même code définit les règles applicables. Ce contrôle est dit contrôle de droit commun ou encore contrôle comptable d’assiette. Les deux procédures de contrôle présentent un caractère autonome ».

En clair, dans le premier cas, l’URSSAF contrôle uniquement et dans le but de trouver du travail dissimulé. Dans le second cas il s’agit d’un contrôle classique au cours duquel, manque de chance, l’URSSAF s’aperçoit que le cotisant se rend en plus du reste, coupable de travail dissimulé.

Ce n’est que lorsqu’un contrôle est initié afin de rechercher des infractions constitutives de travail illégal que toutes les opérations de contrôle obéissent au code du travail et à lui seul ((2e Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 12- 21.397; (2e Civ., 29 novembre 2018, pourvoi n° 17 27362) et que les dispositions de l’article R. 133-8 du code de la sécurité sociale sont applicables au recouvrement consécutif des cotisations de sécurité sociale éludées (2e Civ., 8 juillet 2021, pourvoi n° 20-16.738, 2e Civ., 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-23.051).

Les modalités des deux procédures

Il en résulte que lorsque l’URSSAF intervient spécifiquement pour la constatation de faits de travail dissimulé :

  • Le redressement doit être porté à la connaissance de l’employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l’organisme de recouvrement, transmis par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (article R. 133-8 dans sa version applicable en l’espèce) ;
  • Les inspecteurs de l’URSSAF (mentionnés à l’article L. 8271-1-2) sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit mais avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature de ses activités (article L. 8271-6-1) ;
  • Les auditions auxquelles les agents de contrôle procèdent ne pouvant être réalisées qu’avec le consentement des personnes entendues (article L.8271-6-1 du code du travail), l’absence de consentement vicie toute la procédure, peu important les autres constats matériels (2e Civ., 9 décembre 2021, pourvoi n° 20-13.498 ; 2e Civ., 9 décembre 2021, pourvoi n°20-14.922) ;
  • Les dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ne s’appliquent pas au redressement effectué sur le fondement de l’article L. 8271-1 du code du travail (2e Civ., 29 novembre 2018, pourvoi n° 17- 23.331 ; 2e Civ., 31 mai 2018, pourvoi n° 17-18.584 ; 2e Civ., 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-26.567 ; 2e Civ., 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-23.051 ; 2e Civ., 9 octobre 2014, pourvoi n° 13-19.493, Bull n° 204 ; 2e Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 12-21.397).

Dans ce cas il en résulte qu’aucune irrégularité ne peut résulter de l’absence d’envoi d’un avis préalable de contrôle, ce qui semble logique, l’effet de surprise du contrôle étant nécessaire à celui-ci.

A l’inverse, elles s’appliquent au contrôle effectué sur le fondement de l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale même si celui-ci aboutit au redressement de cotisations pour travail dissimulé (2e Civ., 23 janvier 2020 pourvoi n° 19-10.907 publié ; 2e Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-21.947 publié ; 2e Civ., 9 novembre 2017, pourvoi n° 16 -23.484, Bull n°208, 2e Civ., 7 juillet 2016, pourvoi n° 15-16.110, Bull n° 190, 2e Civ., 9 octobre 2014, pourvoi n° 10-13.699, Bull n° 203).

Dans cette hypothèse, les dispositions de l’article R. 133-8 ne sont pas applicables au redressement (2e Civ., 23janvier 2020, pourvoi n° 19-10.907 ; 2e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-20.616, 2e Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-21.947, publié).

Il en résulte :

  • Qu’aucune nullité ne peut résulter de ce que la lettre d’observations est signée par l’inspecteur du recouvrement ;
  • Les inspecteurs sont autorisés à entendre les salariés eux-mêmes, dans l’entreprise ou sur les lieux du travail, sans qu’il soit nécessaire de recueillir leur consentement ;
  • Étant d’application stricte, les dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale n’autorisent les agents de l’URSSAF à entendre le salarié que dans l’entreprise ou sur les lieux du travail ;
  • Une audition irrégulière entraîne la nullité du chef de redressement concerné mais non l’ensemble du redressement opéré (en ce sens, Soc., 26 octobre 2000, pourvoi n° 98-18.578 ‘ Soc., 14 juin 2001, pourvoi n°99-20.506 ‘ 2e Civ., 9 octobre 2014, pourvoi n° 13-19.493 ‘ 2e Civ., 7 novembre 2019, n° 18-21.947) ;
  • Il peut être possible de rechercher si le redressement litigieux n’est pas suffisamment fondé sur les autres éléments (2e Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-21.947 précité dans une hypothèse où l’audition avait été annulée pour un problème de compréhension de la langue française).

Pas de mélange entre les deux procédures

Le cotisant ne peut invoquer le bénéfice des modalités et garanties propres à l’une des procédures de contrôle si les opérations ont été menées en application de l’autre procédure (Cass. 2e civ., 9 oct. 2014, n°12-28.958).

Ici, la Cour indique que « De par sa nature et la façon dont il a été initié, le contrôle a bien été opéré sur le fondement de l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale de sorte que n’ont pas vocation à s’appliquer les dispositions de l’article L. 8271-6-1 (…) ».

Or, dans ce cas d’espèce, la Cour répète et martèle que « l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable au contrôle litigieux, qui est d’interprétation stricte, confère à l’inspecteur du recouvrement seulement la faculté d’entendre les personnes rémunérées par l’entreprise, à quelque titre que ce soit, dans les lieux occupés par celle-ci ou sur les lieux du travail. (Soc., 6 juin 1996, pourvoi n° 94-14.202 ; 2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-26.263) ».

Le sous-traitant étant une ‘personne rémunérée par l’entreprise’, il peut être entendu dans les locaux de celle-ci ou sur le lieu de travail (Cass. 2e civ., 28 janv. 2021, n°19-26.263). Mais dans cette hypothèse, la Cour souligne que « l’organisme de recouvrement ne peut envoyer un questionnaire au domicile des salariés (Cass. soc., 27 févr. 2003, n°01-21.149 ; Cass. 2ème civ., 10 mai 2005, n°04-30.046) ».

Or les magistrats constatent, aux vues des pièces du dossier que « l’URSSAF a recueilli la parole de MM. [E] et [G], prestataires, sous la forme de questionnaires, en contradiction avec les dispositions de l’article R. 243-59 sus-visées. En l’état de ce qui précède et par motifs substitués, il sera jugé que les questionnaires de MM. [E] et [G] sont entachés de nullité. Il sera ajouté qu’ils sont écartés des débats ».

La Cour estimant que le redressement ne pouvait se fonder sur aucun autre élément que les questionnaires annulés, elle décide de l’annuler dans son entier.

Nicolas Taquet

Avocat au barreau de Pau

Illégalité de la remise en cause des aides Covid par l’URSSAF

Afin d’accompagner les entreprises touchées par la crise du Covid 19, le législateur a créé plusieurs aides dont « l’exonération exceptionnelle Covid » et « l’aide au paiement des cotisations patronales » (art 65 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 – art 9 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020).

Durant les périodes de « confinement » les entreprises, sur simple déclaration, pouvaient bénéficier de ces aides.

Mais depuis plusieurs mois, les URSSAF en quête d’argent notifient des décisions d’inégibilité aux mesures.

Au-delà des arguments de fond qui peuvent être avancés pour contester ces décidons, au moins deux arguments de procédure peuvent utilement être soulevés.

La nécessité d’une procédure contradictoire.

Les URSSAF ont massivement remis en cause ces aides via vérification opérées sur les DSN. Or, en cas de remise en cause d’une aide déclarée à la suite d’une vérification de la DSN, la procédure à respecter était prévue, jusqu’au 1er janvier 2024, par l’article R. 243-43-4 du CSS ainsi libellé (dans sa version modifiée par le décret n°2016-941 du 8 juillet 2016) :

« Lorsqu’à l’issue des vérifications mentionnées à l’article R. 243-43-3, l’organisme de recouvrement envisage un redressement, il en informe le cotisant en lui indiquant :1° Les déclarations et les documents examinés ; 2° Les périodes auxquelles se rapportent ces déclarations et documents ; 3° Le motif, le mode de calcul et le montant du redressement envisagé ; 4° La faculté dont il dispose de se faire assister d’un conseil de son choix pour répondre aux observations faites, sa réponse devant être notifiée à l’organisme de recouvrement dans un délai de trente jours ; 5° Le droit pour l’organisme d’engager la mise en recouvrement en l’absence de réponse de sa part à l’issue de ce même délai (…) ».

Au visa de cette disposition, la Cour d’Appel de Nancy a jugé que :

« en l’état des énonciations figurant sur la décision du 11 février 2022 qui se bornent à informer la société de son inéligibilité aux mesures d’exonération et d’aide au paiement des cotisations, la société se ne saurait se prévaloir d’une absence de mise en demeure dès lors que par cette décision l’URSSAF n’entend pas encore poursuivre le recouvrement des sommes en cause puisqu’elle informe la société que cette remise en cause entrainera un rappel de cotisations En revanche, il convient de constater que tant la lettre du 17 novembre 2021 que celle du 11 février 2022 ne comportent pas les informations concernant le mode de calcul et le montant du redressement envisagé, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix pour répondre aux observations faites, sa réponse devant être notifiée à l’organisme de recouvrement dans un délai de trente jours et l’information quant au droit pour l’organisme d’engager la mise en recouvrement en l’absence de réponse de sa part à l’issue de ce même délai. Il s’ensuit que les formalités édictées par ces textes, pour conférer à la procédure un caractère contradictoire n’ayant pas été respectées, le redressement auquel a entendu procéder l’URSSAF n’est pas valide et il convient, réformant le jugement entrepris, de rejeter ses demandes en paiements » (CA Nancy, 16 janvier 2024, N° RG 23/01680, v. dans le même sens : TJ du Mans, 14 février 2024, N° RG 22/00274).

La nécessité d’une mise en demeure

L’inégibilité ne peut être prononcée que par mise en demeure. C’est, là encore, clairement ce qui ressort des dispositions de l’article R. 243-43-4 du CSS :

« Lorsque le cotisant a fait part de ses observations dans le délai prévu au 4°, l’organisme de recouvrement lui confirme s’il maintient ou non sa décision d’engager la mise en recouvrement pour tout ou partie des sommes en cause. L’organisme de recouvrement engage, dans les conditions définies à l’article R. 244-1, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard faisant l’objet du redressement :

-soit à l’issue du délai fixé au 4° en l’absence de réponse du cotisant parvenue dans ce délai à l’organisme ;

-soit après l’envoi par l’organisme de recouvrement du courrier par lequel il a été répondu aux observations du cotisant ».

Et l’article R. 244-1 du même code renvoie bien à la notion de mise en demeure.

La Cour de Nancy a confirmé ce point :

« Les opérations d’examen des déclarations sociales nominatives auxquelles a procédé l’URSSAF ne sauraient se rapporter à un contrôle sur place ou encore un contrôle sur pièces, notamment en raison de l’effectif de la société. En revanche, et comme l’URSSAF le soutient, ces opérations relèvent du cadre des vérifications sur pièces prévues aux articles R. 243-43- 3 et R. 243-43-4 du code de sécurité sociale. Il résulte de ces dispositions que lorsque l’URSSAF entend faire usage procéder à une vérification en application de ces textes, cet organisme de sécurité sociale doit, d’une part, en informer le cotisant selon les modalités énoncées à l’article Page 10 / 12 16 janvier 2024 R. 243-43-4 alinéa 1e, d’autre part, en cas d’observation lui confirmer s’il maintient ou non sa décision d’engager la mise en recouvrement pour tout ou partie des sommes en cause. Il s’ensuit que cet organisme s’il entend poursuivre le recouvrement y procède ensuite par la délivrance d’une mise en demeure selon les conditions de l’article R. 244-1 du code de sécurité sociale auxquelles les dispositions en cause font référence. Il s’ensuit qu’en l’état des énonciations figurant sur la décision du 11 février 2022 qui se bornent à informer la société de son inéligibilité aux mesures d’exonération et d’aide au paiement des cotisations, la société se ne saurait se prévaloir d’une absence de mise en demeure dès lors que par cette décision l’URSSAF n’entend pas encore poursuivre le recouvrement des sommes en cause puisqu’elle informe la société que cette remise en cause entrainera un rappel de cotisations ».

D’ailleurs, dans une affaire similaire, le Tribunal Judiciaire de Paris a rejeté les prétentions de l’URSSAF :

« Par décision du 10 septembre 2021, l’URSSAF a refusé à la société [3] le bénéfice du dispositif d’exonération des cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations sociales.

La société soutient que ce courrier lui a été adressé à une adresse erronée, sans être contredite pas l’URSSAF qui ne justifie pas de la réception de ce courrier par la société, lequel ne saurait en tout état de cause valoir mise en demeure.

L’URSSAF ne justifie pas de l’envoi d’une mise en demeure préalable aux prélèvements opérés sur le compte bancaire de la société en date des 2 décembre 2021, 2 janvier 2022, 2 février 2022 et 2 mars 2022 et ne conteste pas que ceux-ci avaient pour objet la récupération du montant de l’aide au paiement des cotisations retenu par la société ce qui équivaut à un redressement.

Faute d’avoir été précédée d’une mise en demeure, la récupération opérée est donc irrégulière et l’URSSAF sera condamnée à restituer à la société [3] la somme de 28 195 euros » (TJ Paris, 15 mai 2024, n° 22/02922).

Certes, la décision administrative concernant le rappel de cotisations ne doit pas nécessairement indiquer la mention « Mise en demeure » dès lors que son contenu est clair.

Mais l’article R. 244-1 précise que ce document doit préciser « la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. ».

Surtout, la mise en demeure doit comporter la mention suivant laquelle le débiteur a un mois pour régulariser sa situation. Faute de cette mention, la décision administrative est nulle (Cass civ.2°.31 mai 2005. pourvoi n° 03-30658 – 19 décembre 2019. pourvoi n° 18-23623 – 12 mars 2020. pourvoi n° 18-20008 – 7 janvier 2021, pourvoi n° 19-22978  19-23973- Paris. Pôle 6 – Chambre 12. 9 septembre 2022. RG n° 19/06829, 23 septembre 2022. RG n° 17/11824) et prive en conséquence de fondement l’obligation au paiement des sommes qui en faisaient l’objet.

La prescription

Le cotisant pourra se demander l’intérêt d’obtenir une annulation de la décision de l’URSSAF si celle-ci est en mesure de reprendre la même décision, purgée de ses vices de procédure …

L’intérêt réside dans la prescription.

En effet, aux termes de l’article L. 244-3, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues.

Ainsi, si suffisamment de temps s’est écoulé entre la période objet des aides financières et l’envoi de la mise en demeure, les sommes sont définitivement acquises par le cotisant et l’URSSAF ne peut plus les remettre en cause.

Par exemple, dans l’affaire tranchée par le Tribunal Judiciaire de Paris, la juridiction indique que :

« En l’espèce, la société [3] a formulé une demande d’exonération des cotisations et contributions sociales au titre des mois de février à mai 2020. L’URSSAF lui a refusé le bénéfice de cette exonération par courrier du 10 septembre 2021. Cette décision, pas plus que la saisine de la commission de recours n’ont eu pour effet d’interrompre le délai de prescription triennale. Le 10 janvier 2024, l’URSSAF a mis en demeure la société de payer la somme de 40 581 euros au titre des cotisations (38 650 euros) et majorations de retard (1 931 euros) dues au titre des mois de février à mai 2020.

Or, cette mise en demeure ayant été émise plus de trois ans après l’année civile au titre de laquelle les cotisations étaient dues, soit le 31 décembre 2020, l’action en recouvrement de l’URSSAF est prescrite.

Dès lors, et sans besoin de statuer sur la question de l’éligibilité de la société [3] au dispositif d’exonération des cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations sociales en faveur des entreprises en difficultés, impactées par les conséquences financières liées à l’épidémie de Covid-19, il sera fait droit aux demandes de la requérante » (TJ Paris, 15 mai 2024, n° 22/02922).

Nicolas Taquet

Avocat au Barreau de Pau

Nouvelle annulation de la procédure de sanction de l’OFII pour emploi d’étranger sans titre

Dans deux jugements du 6 mai 2024, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise vient d’étriller la nouvelle procédure instaurée par l’OFII qui était sensée régulariser la précédente procédure déjà censurée par le Conseil d’État … Un comble !

Une procédure peu respectueuse des droits de la défense

Parmi les nombreuses missions dont il avait la charge, l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) avait le pouvoir, jusqu’à l’adoption de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », de sanctionner financièrement les employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers de façon irrégulière.

La procédure d’amende administrative prévue par les textes pour sanctionner les employeurs était … légère et laissait peu de place à la défense de l’employeur. L’article R. 8253-3 du Code du travail dispose que :

« Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l’article L8271-17, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration indique à l’employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l’article L8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu’il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ». Une disposition semblable existe au sein du CESEDA pour la contribution forfaitaire ce qui permettait à l’OFII de n’envoyer qu’un seul courrier pour les deux sanctions.

Durant longtemps, l’OFII a appliqué ces dispositions avec beaucoup de retenue. Il se contentait bien souvent d’envoyer un courrier informant de la procédure et indiquait à l’employeur qu’il avait 15 jours pour présenter ses observations écrites. La plupart du temps, l’OFII ne prêtait pas beaucoup d’attention aux observations de l’employeur et celui-ci recevait rapidement les titres de perception avec l’étrange sentiment d’être pris sous un « rouleau compresseur ».

Un renforcement des garanties par le Conseil d’État

D’un point de vue jurisprudentiel, le Conseil d’Etat a donc renforcé les garanties dont bénéficient les employeurs.

La première pierre jurisprudentielle a été posée avec la décision du Conseil d’Etat EURL DLM Sécurité du 29 juin 2016 aux termes de laquelle, la Haute juridiction a estimé que : « si ni les articles L8253-1 et suivants du Code du travail, ni l’article L8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l’infraction aux dispositions de l’article L8251-1 relatif à l’emploi d’un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d’assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d’une sanction administrative » (CE, EURL DLM Sécurité, 29 juin 2016, N° 398398, B).

Depuis cette décision, l’employeur visé à donc non seulement la possibilité de présenter ses observations, mais il peut également demander la communication des procès-verbaux dont il n’a pas forcément eu connaissance, secret de l’instruction oblige. Il s’agit là d’une réelle avancée, puisque ces procès-verbaux constituent la seule trace écrite du constat d’infraction et donc, le seul élément permettant à l’employeur de contester le bienfondé de l’infraction. Il va sans dire que cette demande de communication doit avoir été présentée dans le délai de 15 jours mentionné à l’article R. 8253-3 du code du travail, sans quoi toute contestation ultérieure de ce point dans le cadre d’un recours contre la décision de l’OFII serait nécessairement vouée à l’échec (CE, 6 mai 2019, N° 417756, B).

La deuxième pierre jurisprudentielle, plus récente, a encore légèrement renforcé les garanties procédurales. Dans une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d’Etat a sévèrement étrillé la procédure menée par l’OFII en estimant que celui-ci devait informer l’employeur qu’il avait le droit d’avoir communication du procès-verbal de contrôle. Dans cet arrêt, il exige que : « la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus » (CE, 30 décembre 2021, N° 437653, B).

A compter de cette date, la lettre de l’OFII ne pouvait plus se contenter de mentionner la possibilité qu’a l’employeur avait de présenter ses observations. Elle devait aussi mentionner son droit d’obtenir la communication du procès-verbal de constat en incluant « une mention stéréotypée informant l’intéressé de ce qu’il peut demander la communication des documents » (selon les termes du Rapporteur Public).

Les conséquences de l’arrêt du 30 décembre 2021

L’arrêt du Conseil d’Etat du 30 décembre 2021 a été fort dommageable pour l’OFII qui tire ses ressources notamment des amendes administratives émises sur le fondement de l’article L. 8253-1 du code du travail (article R. 121-28 du CASEDA).

En effet, cet arrêt s’est appliqué de façon rétroactive à l’ensemble des instances pendantes devant les judications administratives, y compris lorsque le moyen était pour la première fois invoqué en cause d’appel (CAA de Douai, 16 mai 2023, N° 22DA01364).

Plus encre, par un récent arrêt du 29 avril 2024 classé C+, la Cour Administrative d’Appel de Paris a même refusé de « Danthonyser » le vice de procédure en cas d’absence de retrait du courrier n’informant pas l’employeur de son droit d’avoir communication du procès-verbal : « La circonstance qu’elle n’a pas été retirer, pendant les congés estivaux de son personnel, le pli contenant la lettre du 13 août 2020 envoyé à son adresse par courrier recommandé avec accusé de réception n’est pas de nature à permettre la régularisation de cette procédure irrégulière. Contrairement à ce qu’ont jugé les premiers juges, l’absence de retrait de ce pli n’a pas davantage privé la société SPR Bâtiment de la possibilité de se prévaloir de l’irrégularité de procédure résultant de ce qu’elle n’a pas été informée de la possibilité de demander la communication du procès-verbal d’infraction sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés. Cette irrégularité, qui l’a privée d’une garantie, entache la légalité des décisions contestées des 8 octobre 2020 et 26 janvier 2021 » (CAA de Paris, 29 avril 2024, N° 23PA02728, C+).

Dans son Rapport annuel pour 2022, l’OFII expliquait ainsi le taux d’annulation important de ses décisions était « la conséquence directe du revirement de jurisprudence de la décision du 30 décembre 2021 n° 437653, la décision est applicable à tous les dossiers n’ayant pas donné lieu à une décision définitive. Certains dossiers pourront encore faire l’objet d’une annulation devant les juridictions ». Il est vrai que dans ses conclusions sous cette décision, le Rapporteur public avait indiqué : « cette jurisprudence stricte nous semble, à dire vrai, d’autant moins justifiée que la solution inverse n’induirait – passé le temps d’adaptation – aucune contrainte supplémentaire pour l’administration. ». Cette année 2022 d’augmentation substantielle du taux d’annulation constituait ce « temps d’adaptation ».

Comment s’est adapté l’OFII ?

En incluant effectivement « une mention stéréotypée informant l’intéressé de ce qu’il peut demander la communication des documents ». Cette mention était la suivante : « si vous avez adressé une demande de communication du procès-verbal à l’adresse électronique plciir@ofii.fr, le délai de quinze jours court à compter de la réception de ce document ».

Quand ça veut pas, ça veut pas …

La mention insérée par l’OFII dans ses courriers est clairement alambiquée. La formulation employée indique à l’employeur, de façon malheureusement trop indirecte, qu’il a droit d’obtenir la communication du procès-verbal. On ne peut que soupçonner l’OFII d’avoir employé cette formulation afin de susciter le moins de demandes possibles.

Même si l’arrêt du 30 décembre 2021 a immédiatement fait réagir l’OFII qui a tenté de régulariser ses procédures (parfois des procédures en cours), il aura fallu près de deux ans pour que les juridictions administratives statuent sur la nouvelle procédure et la formulation employée depuis janvier 2022.

Un premier jugement du Tribunal administratif de Dijon est venu doucher les espoirs en validant la formulation employée (TA Dijon, 6 février 2024, n° 2202923). Le Tribunal administratif de Paris en a fait de même, en soulignant toutefois la « maladresse rédactionnelle » de l’OFII (TA Paris, 29 février 2024, n°221485).

Mais par deux jugements du 6 mai 2024, le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise a admis l’exact inverse. Il juge que : « Par un courrier du 16 février 2022, annulant et remplaçant le premier courrier, le directeur général de l’OFII a avisé la société Bati Europe Intérim de son intention de mettre à sa charge une contribution spéciale et une contribution forfaitaire et précisée : « si vous avez adressé une demande de communication du procès-verbal à l’adresse électronique plciir@ofii.fr, le délai de quinze jours court à compter de la réception de ce document ». Cette formulation ne peut être regardée comme satisfaisant à l’obligation à laquelle était tenu l’OFII d’informer en temps utile la société requérante de son droit à demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. Par ailleurs, si un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de celle-ci ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie, le vice de procédure tiré de cette absence d’information préalable de la société Bati Europe Intérim est de nature à l’avoir privée d’une garantie et constitue, dès lors, une irrégularité de nature à entacher la légalité de la décision attaquée » (TA Cergy-Pontoise, 6 mai 2024, n°s 2210256, n° 2209952).

Cette position, dont on ne peut que se réjouir tant la formule employée est nébuleuse, est toutefois contraire au précédents jugements des Tribunaux administratifs de Paris et de Dijon. Ce point n’est pas sans intérêt dans la mesure ou le décret d’application du nouvel article L. 8253-1 du code du travail n’est pas encore paru à l’heure actuelle et que nul ne sait comment le Ministre de l’Intérieur appréhendera ces questions.

Nicolas Taquet

Avocat au Barreau de Pau

L’URSSAF tente de régulariser une procédure pourtant régulière : elle se trompe et c’est l’annulation du redressement

Dans une série d’arrêts, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence annule plusieurs redressement URSSAF, faute d’avis de contrôle régulièrement notifié avant le début effectif du contrôle (CA Aix-en-Provence, 19-04-2024, n° 22/05148, n° 21/05168, n° 22/04204, 22/04202).

L’exigence d’un avis de contrôle

Selon l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale : « Tout contrôle effectué en application de l’article L. 243-7 est précédé, au moins trente jours avant la date de la première visite de l’agent chargé du contrôle, de l’envoi par l’organisme effectuant le contrôle des cotisations et contributions de sécurité sociale d’un avis de contrôle ».

Bien sûr, cette disposition n’est pas applicable dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l’article L.8221-1 du code du travail, c’est-à-dire les faits de travail dissimulé.

Il est toujours possible de reporter la date de la première visite inscrite dans l’avis de contrôle (période de vacances, absence du comptable …). La demande peut être faite par la société mais également par l’URSSAF. Mais dans ce cas, la cour de cassation a jugé qu’au cas où l’URSSAF entend reporter la date de la première visite de ses inspecteurs du recouvrement, il lui incombe d’en informer « en temps utile et par tout moyen approprié » l’employeur ou le travailleur indépendant, et de rapporter la preuve de la réception de l’information en cas de recours contentieux (2e Civ., 15 mars 2018, pourvoi n°17-13.409, Aa. 2018, II, n°50).

L’intérêt de l’avis de contrôle

Cet avis de contrôle est fondamental pour le cotisant car il doit faire état de l’existence d’un document intitulé « Charte du cotisant contrôlé » lui présentant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue. Il précise l’adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu’il est adressé au cotisant sur sa demande.

De même, l’employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l’avis prévu à l’alinéa précédent.

Ainsi que le résume la Cour d’appel d’Aix-en-Provence : « L’avis de contrôle a ainsi pour objet d’une part d’informer le cotisant de la date de la première visite de l’inspecteur du recouvrement, et d’autre part de ses droits, dont celui lui permettant d’être assisté lors de celui-ci, et par conséquent de ses droits de la défense. Il doit être envoyé au cotisant par un document permettant de rapporter la preuve de sa réception, les dispositions applicables n’impliquant pas exclusivement l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception ».

Panique de l’URSSAF qui envoie deux avis de contrôle

Dans cette histoire, l’URSSAF justifiait avoir adressé à la société un premier avis de contrôle par LRAR du 18 février 2016, mentionnant que les inspecteurs du recouvrement se présenteront le 4 avril 2016 vers 9h30.

Mais, visiblement, l’URSSAF a été pris de panique au moment du contrôle car ses agents se sont rendus compte que la lettre du 18 février (avis de contrôle) avait été réceptionnée par une autre personne à la même adresse.

Mais la panique n’est pas bonne conseillère … pensant qu’il s’agissait d’une erreur de notification qui aurait pu être en mesure d’entraîner la nullité du redressement, l’URSSAF a alors en vitesse, notifié à la société un deuxième avis de contrôle par courrier du 5 avril 2016 (soit le lendemain du jour ou le contrôle devait débuter). La date de réception de cet avis n’est pas connue. La Cour note à cet égard que « Cet avis de contrôle daté du 5 avril 2016, qui est par conséquent destiné à régulariser la difficulté tenant à l’accusé de réception du premier, implique que le contrôle n’a pas débuté le 4 avril ». Problème supplémentaire : cet avis de contrôle du 5 avril 2016 indique que les inspecteurs se présenterons finalement … le 6 avril 2016, soit le lendemain.

La Cour sanctionne ce comportement très clairement abusif de l’URSSAF.

Elle estime que : « L’URSSAF ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, d’avoir informé la cotisante, dans un délai suffisant, compatible avec son droit d’assistance, du report au 6 avril 2016 du contrôle ayant fait l’objet d’un avis régulièrement délivré fixant la date de début du contrôle au 4 avril 2016, alors que cette lettre du 6 avril 2016, est datée par l’URSSAF elle-même, de la date effective du début du contrôle. Il en résulte que les droits de la défense de la cotisante n’ont pas été respectés. L’atteinte qui y a ainsi été portée a pour conséquence la nullité des opérations de contrôle, du redressement et de la mise en demeure subséquente. »

Ironie de l’histoire : le premier avis de contrôle était en réalité régulier

Mais le plus drôle dans cette histoire est que la Cour note, à l’égard du courrier du 18 février 2016, que : « La circonstance que le tampon humide du groupement d’intérêt économique, et non celui de la cotisante, ait été apposé sur l’accusé de réception, qui est étrangère l’URSSAF, ne peut en effet avoir pour conséquence d’affecter la validité de cet avis de contrôle ». Bref, pour la Cour le premier avis de contrôle avait régulièrement été notifié.

Finalement, l’URSSAF a tenté de régulariser une procédure … qui était régulière, mais elle a mal fait cela et a définitivement vicié la procédure. L’URSSAF a fait pire que mieux. Très ironique.

Nicolas Taquet

Avocat au barreau de Pau

Il manque une signature ? C’est la nullité du redressement URSSAF

Il manque une signature ? C’est la nullité du redressement URSSAF

Conformément à une jurisprudence constante en la matière, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence vient d’annuler un redressement pour travail dissimulé car la lettre d’observations n’était pas signée par le Directeur de la Caisse (CA Aix-en-Provence, 15 avril 2024, n° 22/07830).

Des classiques faits de travail dissimulé

Les faits d’espère étaient classiques : un soir de mars 2015, un petit groupe de policiers et d’inspecteurs de l’URSSAF ont opéré un contrôle surpris dans une série d’établissements. Le but est de débusquer des faits de travail dissimulé. Le cas le plus classique est celui de l’absence de DPAE. Dans un magasin, l’URSSAF note que « deux personnes se trouvent derrière le comptoir du bar pour la préparation des boissons, une personne se trouve en salle pour la prise des commandes et le service des clients et une personne se trouve derrière la table de mixage pour l’animation de la soirée ». Ces quatre personnes sont inconnues de l’URSSAF, c’est-à-dire en situation de travail dissimulé.

Résultat : une mise en demeure en date du 22 septembre 2015 d’un montant total de 8 035 euros dont 6 593 euros de cotisations outre 955 euros de majorations de redressement et 487 euros de majorations de retard.

Après un rejet de sa contestation par la Commission de Recours Amiable puis par le Tribunal Judiciaire, la société ne perd pas espoir de faire annuler sa dette et fait appel.

Contrôle d’assiette et contrôle pour recherche de travail dissimulé : deux procédures contradictoires distinctes

La Cour d’Appel rappelle que dans son arrêt du 9 octobre 2014 (2e Civ., 13-16.110), la Cour de cassation a posé le principe de l’autonomie de la procédure de contrôle de droit commun de celle fondée sur les articles L.8271-1 et suivants du code du travail.

En effet, selon la Cour, « les dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables aux opérations ayant pour objet la recherche et la constatation d’infractions constitutives de travail illégal, engagées sur le fondement des articles L.8271-1 et suivants du code du travail ».

Ainsi, lorsqu’elle commence un contrôle basé sur les dispositions de l’article L.8271-1 et suivants du code du travail, l’URSSAF doit suivre cette procédure jusqu’au bout et ne peut emprunter (on serait presque tenté de dire « choisir ») les dispositions applicables au cas de contrôle d’assiette classique, de droit commun.

Lutte contre le travail dissimulé : signature obligatoire de la lettre d’observations par le Directeur de l’organisme

En matière de lutte contre le travail dissimulé, l’ancien article R.133-8 du code de la sécurité sociale disposait que « lorsqu’il ne résulte pas d’un contrôle effectué en application de l’article L.243-7 du présent code (…), tout redressement consécutif au constat d’un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l’employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l’organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ».

Or, la Cour d’Appel note que « la lettre d’observations datée du 5 juin 2015, mentionne que l’objet du contrôle est la ‘recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l’article L.8221-1 du code du travail ». Elle en conclue donc que l’URSSAF s’est implicitement placée sur le terrain de l’article L.8271-1 et suivants du code du travail.

Par suite, conformément aux dispositions de l’article R.133-8 du code de la sécurité sociale, la lettre d’observations devait être signée par le Directeur de l’URSSAF.

Or, la Cour constate que tel n’est pas le cas. Elle ne le dit pas, mais sans doute la lettre d’observations a été signée simplement par l’inspecteur présent au moment du contrôle. Et à défaut de sa signature par le directeur de l’organisme de recouvrement, la lettre d’observations est affectée d’une irrégularité de fond, justifiant l’annulation de l’entier redressement, sans même que soit exigée la preuve d’un préjudice. (2e Civ., 7 septembre 2023, n°21.20657, 2e Civ., 9 octobre 2014, n°13-19493).

On ne le répètera jamais assez : c’est principalement par des moyens de forme et de procédure qu’il est possible de faire annuler un redressement URSSAF.

Nicolas Taquet

Avocat au barreau de Pau

L’URSSAF s’attaque à … un centre d’action sociale !

C’est une drôle d’affaire qu’a eu à juger la Cour d’Appel de Pau le 19 octobre 2023. L’URSSAF (ou Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et des Allocations Familiales) réclamait à un CCAS (ou Centre Communal d’Action Social) la somme de 5.000 euros (CA Pau, 19 octobre 2023, n° 21/01300).

Un seul but mais des méthodes différentes

Décidément, et bien que ces deux entités ouvrent tous deux pour le bien-être « social, » l’une d’entre elle en a une vision légèrement plus … inquisitrice.

En effet, le CCAS est un service public géré par la Commune et peut avoir pour objet d’offrir différentes prestations à caractère social aux plus âgés et démunis : aide alimentaire, soins d’urgence … Il s’agit d’un service public administratif, c’est-à-dire non tourné vers le profit.

Inutile de rappeler que si les URSSAF sont tournées vers la « protection sociale » et sont « au côté des entreprises » (selon la propagande officielle), elles sont en réalité à l’origine de très nombreuses liquidations judiciaires et même de suicides de dirigeants qu’elles dépouillent et poussent régulièrement à bout.

Or, justement, l’URSSAF Midi-Pyrénées a entendu contrôler un CCAS d’une Commune des Hautes-Pyrénées.

Cela n’est pas sans rappeler qu’en 2013, l’URSSAF Nord-Pas-de-Calais avait redressé la communauté d’Emmaüs de Saint-Omer de près de 200.000 euros (https://www.capital.fr/votre-carriere/emmaus-donne-un-petit-pecule-a-ses-compagnons-lurssaf-lui-reclame-plus-de-80-000-euros-1277906).

Idem, en 2017, la même URSSAF avait mis en demeure la CAF (un autre organisme de sécurité sociale) de lui payer la rondelette somme de 219.164 euros y compris les majorations de retard de 27.587 euros. Bref une lutte anthropophage entre organismes de sécurité sociale frères !

Une mise en demeure confirmée …

De quoi était coupable ce service public au chevet des plus pauvres ?

Le CCAS avait déclaré une exonération « aides à domicile » (prévue par la loi) et avait déclaré un certain nombre frais professionnels, notamment le versement, aux accueillants familiaux, d’une une « allocation forfaitaire » de 250 € par mois et par personne âgée représentative des frais d’entretien de cette dernière.

Diantre ! Quels crimes honteux !

Mais heureusement, l’URSSAF a veillé. L’organisme a d’abord demandé des pièces au CCAS puis est venu contrôler sur place, pour vérifier si les studios occupés par ces pauvres personnes âgées entraient bien dans les critères pour permettre l’application de l’exonération.

Malheureusement pour le CCAS, la Cour d’Appel de Pau note que « les personnes âgées ne peuvent être considérées comme étant accueillies au domicile d’accueillants familiaux au sens des dispositions ci-dessus de l’article L.442-1 du code de l’action sociale et des familles alors qu’elles occupent un studio qui, au vu de la convention d’occupation précaire et de façon certaine, ne fait pas partie du domicile du salarié accueillant familial ».

Pour ce qui est des frais professionnels, elle estime que : « il a été constaté que l’indemnité était versée à l’accueillant familial y compris pendant ses congés et qu’elle ne l’était pas à son remplaçant ». Cela a immédiatement entraîné une réintégration des frais déclarés dans l’assiette.

… Mais à quel prix ?

Finalement, le seul intérêt de cette histoire est de nous faire prendre conscience que l’URSSAF n’en n’est pas à ça prêt pour récolter les quelques milliards de déficit du régime général de la sécurité sociale.

Elle nous montre toute la mesquinerie dont l’URSSAF est capable lorsqu’elle s’attaque aux « petits » : pour dépouiller un centre social de 5.000 euros, l’URSSAF a déployé toute son artillerie de contrôle, de mise en demeure.

La grande classe …

Nicolas Taquet

Avocat au barreau de Pau

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » ou quand l’URSSAF est trop pressée de racketter un cotisant

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » ou quand l’URSSAF est trop pressée de racketter un cotisant

C’est cette fable de La Fontaine qui vient à l’esprit en lisant l’arrêt 21/05930 rendu par la Cour d’Appel de Bordeaux le 14 mars 2024.

« Notre Lièvre n’avait que quatre pas à faire ».

Dans cette histoire, après l’envoi d’un avis de contrôle, une entreprise basée à Bordeaux a vu débarquer plusieurs inspecteurs URSSAF dans son service RH et paie. Les inspecteurs ont posé une foultitude de questions à l’ensemble des cadres et dirigeants de la société.

Puis, le lièvre laissa la tortue « Aller son train de Sénateur » et méprisa « une telle victoire ».

La société contesta les chefs de redressements mentionnés dans la lettre d’observations, mais en vain.

Résultat des courses ? Un juteux redressement de 885.160 euros, portant sur 23 chefs de redressement, réparti sur 73 établissements. Ce sont donc au total 73 mises en demeure qui ont été notifiées !

Le cotisant a bien entendu contesté ces 73 mises en demeure devant la Commission de Recours Amiable mais cela n’y changea rien. Eu égard à l’importance du redressement, la société contesta la décision. Mais le Tribunal Judiciaire de Bordeaux confirma toutes les mises en demeure. Bref, échec sur échec pour la société.

« De quoi vous sert votre vitesse ? ».

Dans cette histoire, l’avis de contrôle envoyé à la société précisait que les opérations de contrôle étaient prévues pour débuter le 3 février 2015 … Malheureusement pour eux, les inspecteurs de l’URSSAF étaient trop pressés de redresser l’entreprise.

En effet, dès le 28 janvier 2015, l’URSSAF a procédé à une « Réunion d’ouverture » (sic), qui était « préalable à l’intervention » et avait pour objet la présentation « des deux inspecteurs du recouvrement en charge de la vérification », « la méthodologie du contrôle » et du « déroulement des opérations ».

Mais ce n’est pas du tout ce qui s’est passé.

Car des participants ont attesté que « dès cette réunion, nous étions entrés dans le vif du sujet, notamment sur l’AUV qui est un des sujets sensibles entre leur position et la nôtre. À la fin de la réunion nous avons abordé la logistique (ordinateur, bureau, badge, café…) ». Un autre participant évoque que « nous avons précisément évoqué le fond du redressement et notamment deux sujets qui donnent habituellement lieu à des redressements de la part de l’Urssaf : l’AUV et les frais professionnels

La Cour d’Appel de Bordeaux a sèchement censuré l’URSSAF. Elle indique dans son arrêt que : « les articles L. 243-7 et suivants et R.243-59 et suivants du code de la sécurité sociale définit les pouvoirs des agents de contrôle mais également les droits et garanties des cotisants. En particulier, l’impératif de l’avis préalable à la mise en oeuvre du contrôle a notamment pour but de porter à la connaissance du redevable la date de la première visite de l’inspecteur, ce qui permet à l’entreprise de préparer sa défense et de choisir éventuellement un conseil qui l’assistera tout au long des opérations de contrôle dans le cadre du principe du contradictoire ».

Elle en conclue logiquement que : « En interrogeant les cadres de la société en charge des ressources humaines sur plusieurs éléments relatifs à la définition des frais professionnels et avantages bénéficiant aux salariés de l’entreprise, les agents de l’Urssaf Aquitaine ont engagé les opérations de contrôle, qui n’avaient pourtant été annoncées qu’à compter du 3 février suivant, dès le 28 janvier 2015. Il en résulte que, incorrectement informée de la nature de ce rendez-vous du 28 janvier 2015, la société n’a pu organiser sa défense utilement, cela en violation du respect du contradictoire. L’irrégularité de la procédure entraîne l’annulation de l’ensemble des mises en demeure et des redressements notifiés ».

Morale de l’histoire ? Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.

Nicolas Taquet

Avocat au barreau de Pau

Annulation d’un redressement URSSAF fondé sur des documents transmis par un tiers à la société

Dans un arrêt du 22 février 2024, la Cour d’Appel de Pau a estimé, conformément à sa jurisprudence antérieure, que « les inspecteurs du recouvrement ne sont pas autorisés à solliciter des documents d’un salarié de l’employeur qui n’a pas reçu délégation à cet effet, et a fortiori, d’un tiers » (CA Pau, ch. soc., 22 févr. 2024, no 21/04175).

La Cour de cassation le martèle : « les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte » (Cass.soc., 28 nov. 1991, no 89-11.287 ; Cass. soc., 10 mai 2005, no 04-30.046 ; Cass. soc., 19 sept. 2019, no 18-19.929).

Qui plus est, les règles du code de la sécurité sociale sont des règles d’ordre public, ce qui exclut toute possibilité, pour l’assuré et les organismes de sécurité sociale, d’aménager à leur guise leurs rapports juridiques ; l’Urssaf ne peut donc conclure de conventions de droit privé pour adapter, ou faciliter, les modalités de son contrôle ou du chiffrage du redressement (TJ Lyon, pôle soc., 6 mai 2020, no 14/02654 ; TGI Lyon, pôle soc., 13 sept. 2019, no 16/03412 ; position confirmée par la cour d’appel : CA Lyon, ch. soc. D protection sociale, 18 janv. 2022, no 20/03748).

Ainsi, et s’il est clair que « si les dispositions de l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que l’inspecteur du recouvrement, à réception de la réponse de l’employeur dans le délai de trente jours, puisse demander des justificatifs complémentaires et, tenant compte des éléments recueillis relatifs à un chef de redressement notifié dans la lettre d’observations, lui indiquer que ceux-ci conduisaient à une minoration du redressement envisagé sans envoyer une nouvelle lettre d’observations, elles n’autorisent pas l’agent chargé du contrôle à solliciter d’un tiers à l’employeur [en l’occurrence un expert-comptable] des documents qui n’avaient pas été demandés à ce dernier » (Cass. 2e civ., 20 mars 2008, no 07-12.797 ; voir dans le même sens : CA Douai, ch. soc., 21 déc. 2012, no 11/00504 ; CA Toulouse, ch. 3, 15 juin 2016, no 16/00317 ; CA Paris, pôle 6, ch. 12, 1er mars 2018, no 14/06648).

Or, dans cette affaire devant la Cour d’appel de Pau, l’employeur avait produit divers échanges de courriers électroniques, entre l’inspecteur de l’URSSAF Aquitaine ayant procédé au contrôle et la comptable du groupe de sociétés auquel appartenait la société contrôlée, mais qui n’était donc pas salariée de la société.

Pour se sortir de ce mauvais pas, l’URSSAF se prévalait de la théorie du mandat apparent (C. civ., art. 1985 et 1998). Cependant, comme le rappelle la cour d’appel de Pau, une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent que « lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ».

Or, en l’espèce, aucune preuve de l’URSSAF n’était apportée en ce sens. En particulier, selon la Cour d’appel de Pau, le seul fait que l’interlocutrice de l’URSSAF disposait d’une adresse mail au nom de la société contrôlée était insuffisant à établir l’existence d’un mandat apparent.

Qui plus est, et circonstance aggravante pour l’URSSAF d’Aquitaine, on sait qu’est nul un redressement dès lors qu’un inspecteur du recouvrement a utilisé des documents qui lui ont été transmis même par des salariés qui n’avaient pas le pouvoir d’engager l’entreprise. Or, tel était le cas en l’espèce (on relèvera d’ailleurs que la Charte du cotisant contrôlé, dans sa version issue de l’arrêté du 30 janvier 2024, au JO du 6 février, indique désormais qu’il revient au cotisant de désigner, en amont ou dès le démarrage du contrôle, des interlocuteurs- salariés de l’entreprise ou personnes mandatées – qui auront la capacité de transmettre les données utiles à l’agent chargé du contrôle pour l’exercice de ses missions).

Ce point est cardinal et trop peu souvent évoqué lors des contentieux. Dans l’immense majorité des situations, l’URSSAF ne procède en effet à aucun formalisme pour demander des pièces par mail à des salariés, en invoquant la notion de mandat apparent.

Et pourtant, des décisions censurent de telles pratiques (voir ainsi CA Amiens, 19 sept. 2021, no 10/04496 ; CA Amiens, 17 sept. 2021, n° 19/04496 où l’Urssaf ne s’était pas assurée de l’accord du représentant légal de la société pour utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, se contentant de l’accord du directeur administratif et financier – voir également : Cass. 2e civ., 28 sept. 2023, no 21-21.633 ; Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, no 12-17.939 et 12-17.940 ; CA Angers, ch. soc., 12 janv. 2016, no 13/02416 ; CA Angers, ch. soc., 12 janv. 2016, no 13/02414 : est nul un redressement dès lors qu’un inspecteur du recouvrement a utilisé des documents qui lui ont été transmis par des salariés qui n’avaient pas le pouvoir d’engager l’entreprise, CA Pau, ch. soc., 20 juill. 2023, n° 20/00778).

Reste un dernier point à résoudre. La Cour d’appel de Pau censure les pratiques de l’Urssaf en relevant que l’interlocutrice de l’organisme de recouvrement n’était ni salariée de la société, « ni détentrice d’une quelconque délégation écrite de pouvoir émanant du dirigeant de la société contrôlée ». Cela signifie-t-il que la solution aurait pu être différente si la personne en question avait été détentrice d’une délégation de pouvoir de la part du dirigeant ?

La question reste en suspens et n’est pas tranchée.

Nicolas Taquet

Avocat au barreau de Pau

Nullité d’un redressement URSSAF car la lettre d’observations ne mentionne pas tous les documents consultés

La Cour d’Appel de Toulouse a annulé un redressement URSSAF pour vice de forme. En cause : la lettre d’observations ne mentionnait pas tous les documents analysés par l’URSSAF lors de son contrôle (CA Toulouse, 7 mars 2024, n° 22/02524) ! Explications.

Après un rapide contrôle, l’URSSAF Midi-Pyrénées réclamait la rondelette somme de 79.146 euros à une société, dont 65.783 euros de cotisations et 13.363 euros de majorations de retard.

La société a bien sûr contesté la mise en demeure devant la CRA, puis devant le Tribunal Judiciaire. Ayant obtenu gain de cause en première instance, c’est l’URSSAF qui a fait appel.

Pour sa défense, la société invoquait un vice de procédure : selon elle tous les documents analysés par l’inspecteur URSSAF n’étaient pas mentionnés dans la lettre d’observations.

En effet, l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale prévoit qu’à la fin du contrôle, l’inspecteur URSSAF doit communiquer à l’employeur une « lettre d’observations » datée et signée mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle.

La Cour d’Appel de Toulouse énonce que : « La mention des documents consultés permet notamment à la personne contrôlée d’identifier les omissions qui lui sont reprochées ou de préciser la portée des documents vérifiés. La liste des documents consultés facilite également la reconnaissance d’un accord tacite de l’URSSAF sur certaines pratiques contrôlées ».

Ici, la société versait au débat un mail adressé à l’inspecteur URSSAF pendant le contrôle, indiquant : « vous trouverez ci-joint les courriers de livraison des véhicules aux collaborateurs. Ces courriers précisent les règles d’utilisation des cartes carburant en rappelant l’interdiction d’utiliser la carte de carburant les week-ends, jours fériés et congés ».

Or, ces courriers de livraison n’étaient pas mentionnés dans « la liste des documents consultés » de la lettre d’observations. Et cela était finalement fort dommageable pour la société car justement, le redressement portait sur … la mise à disposition d’une carte carburant permanente à certains salariés.

En clair, les justificatifs apportés par la société étaient en mesure de changer la donne sur le redressement. Pourtant l’URSSAF n’a écouté qu’elle-même et n’a visiblement pas pris en compte ces documents.

Sur ce point, la Cour d’Appel de Toulouse mentionne que : « Comme l’indique l’URSSAF, c’est la carence probatoire de l’employeur qui fonde le redressement. Doit donc figurer dans la lettre d’observations la mention des éléments de preuve apportés par celui-ci et consultés par l’URSSAF, tels les courriers de livraison du véhicule de fonction signés par les salariés, qui mentionnent que ‘l’utilisation de la carte de carburant est réservée au service de la société. Elle ne peut donc pas être utilisée les week-ends, jours fériés et durant vos congés’. Le fait même que l’URSSAF conteste la force probante de ces éléments de preuve confirme que l’examen de ces documents consultés est nécessaire pour apprécier le bien fondé du redressement ».

La liste des documents consultés figurant dans la lettre d’observations était donc incomplète. La Cour procède donc à l’annulation du redressement.

Certes, le redressement est annulé pour un motif de régularité formelle de la lettre d’observations. Mais ce vice de forme dénote une réelle problématique dans l’appréciation des justifications par l’URSSAF.

La forme rencontre le fond …

Nicolas Taquet

Avocat au barreau de Pau

Sanction administrative pour non-respect des délais de paiement interentreprises : procédure et moyens de défense

Sanction administrative pour non-respect des délais de paiement interentreprises : procédure et moyens de défense

A grands renforts de communiqués de presse, le ministère de l’Économie et des finances s’enorgueillit de lourdes amendes administratives prononcées à l’encontre de sociétés ne respectant pas la réglementation relative aux délais de paiements interentreprises. Encore récemment, SFR était sanctionné d’une telle amende pour un montant de 3,7 millions d’euros. En la matière, le droit est pour le moins léger et laisse une grande latitude à l’administration. La jurisprudence, bien que rare en la matière, montre pourtant que des moyens de défense existent.

Le principe découlant du droit européen est clair : l’article L. 441-10 du code de commerce dispose que :

« I.-Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours après la date d’émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois après la date d’émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier »

Cette obligation est détaillée et adaptée à certains secteurs spécifiques aux articles L. 441-11 à L. 441-13 du même code. Lorsque ces délais ne sont pas respectés, l’administration peut sanctionner la société après un contrôle et après avoir respecté une période contradictoire.

  1. La procédure de contrôle

Les manquements aux délais plafonds de paiement sont recherchés, constatés est sanctionnés sur la base de l’article L. 470-2 du code de commerce. Cette disposition prévoit d’abord que la procédure de contrôle se déroule dans les conditions fixées à l’article L. 450-1 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du code de commerce.

Très concrètement, ce sont les agents de la DGCCRF, et des DREETS qui opèrent les contrôles. Ces contrôles peuvent avoir lieu au hasard, ou même sur dénonciation d’un prestataire non payé dans les temps. A cet égard, notons toutefois que les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes courent un plus grand risque, puisqu’elles doivent communiquer les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients[1].

Le premier contact s’opère le plus souvent par mail, téléphone ou courrier. Toutefois, les agents ne sont pas dans l’obligation de prévenir d’un contrôle sur place. Dans le cadre de leur contrôle, ces agents possèdent de larges pouvoirs. Ils possèdent un important droit d’accès aux locaux de l’entreprise[2], mais utiliseront surtout un droit de communication presque absolu[3]. Ainsi, pourront être sollicités la balance auxiliaire sous format numérique, le grand livre fournisseurs et le grand livre clients, un échantillon de factures papier et leurs preuves de paiement[4] ou encore les liasses fiscales. Les agents peuvent également entendre toute personne susceptible d’apporter des éléments utiles à leurs constatations.

Le plus souvent, ces agents procèdent dans un premier temps à une analyse du grand livre fournisseur, sur la base de laquelle, de manière échantillonnaire, ils calculent ensuite le retard moyen pondéré ainsi que le montant de rétention de trésorerie. Attention, la société contrôlée aura tout intérêt à vérifier que l’échantillon choisit par l’administration est bien représentatif de son activité[5]. Si ce premier examen fait apparaître des délais de paiement non conformes aux prescriptions légales, les agents peuvent ensuite pousser leurs investigations par un contrôle plus large et plus approfondi en sollicitant et en analysant un grand nombre de documents.

A noter : la réticence à fournir les informations et documents demandés par les agents pourra être analysée en délit « d’obstacle à l’exercice des fonctions des agents habilités » sévèrement puni par la législation.

Au terme du contrôle, les agents dressent un procès-verbal[6] qui fait foi jusqu’à preuve du contraire[7], d’où l’importance du dialogue dés la phase de contrôle.

  1. La demande de rescrit

Dans le sillage du « droit à l’erreur », la loi ESSOC a introduit un système de « rescrit » permettant à une société de demander à l’administration de prendre une position formelle sur la légalité de sa pratique. Aux termes des dispositions de l’article L. 441-15 du code de commerce :

« I.-Tout professionnel opérant dans un secteur économique mentionné au III peut demander à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation de prendre formellement position sur la conformité aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du I de l’article L. 441-10 des modalités de computation des délais de paiement qu’il envisage de mettre en place. Cette prise de position formelle a pour objet de prémunir ce professionnel d’un changement d’appréciation de l’autorité administrative qui serait de nature à l’exposer à la sanction administrative prévue à l’article L. 441-16 ».

Les deux secteurs concernés sont les suivants :

  • Le secteur de l’industrie automobile répertorié sous la division 29 de la section C de la nomenclature des activités françaises ;
  • Le secteur de la construction répertorié sous la section F de la nomenclature des activités françaises.

L’article R. 441-8 du même code désigne le DREETS comme l’autorité compétente pour cette prise de position formelle. Le contenu de la demande de rescrit, ainsi que la procédure sont fixés par voir réglementaire. C’est un arrêté du 13 mai 2019 qui fixe les modalités de demande de ce rescrit.

L’administration a deux mois à compter de la date de réception de la demande pour prendre position. La réglementation ne précise pas si l’absence de réponse fait naître une décision implicite d’acceptation ou de rejet. En l’absence de précision, il est nécessaire de se rapporter aux dispositions générales de l’article L. 321-1 du CRPA en vertu desquelles le silence de l’administration sur la demande vaut décision implicite d’acceptation. Les sociétés ont donc tout intérêt à solliciter ce rescrit.

Enfin, l’article L. 441-15 du code de commerce précise les cas dans lesquels la validité du rescrit prend fin :

  • Lorsque la situation du professionnel n’est plus identique à celle présentée dans sa demande ;
  • Lorsqu’une modification de dispositions législatives ou réglementaires de nature à affecter cette validité est entrée en vigueur ;
  • Lorsque l’autorité administrative notifie au professionnel, après l’avoir préalablement informé, la modification de son appréciation.

En revanche, le dispositif du « droit au contrôle » et son corollaire, le « droit à l’erreur » prévus par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration ne semblent pas pouvoir être appliqués à cette sanction. En effet, le droit à l’erreur n’est pas opposable lorsque les sanctions sont « requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne » au sens de l’article L. 123-1 du CRPA[8]. De plus, ce droit n’est pas non plus opposable « en cas de mauvaise foi ou de fraude », ce qui, à la lecture des travaux préparatoires de la loi ESSOC, semble nécessairement être le cas en matière de retard de paiement[9]. Cela confirme une fois de plus que ce droit n’est finalement qu’un gadget rarement applicable, loin des ambitions initiales et des attentes de certains.

  1. La procédure contradictoire

Conformément au IV de l’article L. 470-2 du code de commerce : « Avant toute décision, l’administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu’elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l’invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales ». En réalité, cette disposition rappelle presque mot à mot le caractère nécessairement contradictoire de toute procédure de sanction administrative, prévu à l’article L. 122-1 du CRPA, à cette différence près que le CRPA exige, en outre, que la lettre de l’administration fasse mention expresse des griefs exprimés contre la personne visée.

Pour sa part, le Conseil d’État estime que : « le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu’elle en fait la demande »[10].

En pratique, le courrier de notification de procédure contradictoire comporte bien souvent le procès-verbal. Dans le cas contraire, la société contrôlée aura donc tout intérêt à solliciter chaque élément contenu dans le dossier de l’administration (PV, feuille de calcul, formules de calcul …). Faute de recevoir les éléments sollicités, la société pourra faire valoir l’existence d’un vice de procédure entachant la sanction d’illégalité[11].

Durant cette procédure contradictoire, la société aura également tout intérêt à formuler une réponse aussi exhaustive que possible, en fournissant, si tant est que cela soit possible, des explications sur chacune des factures litigieuses. La société pourra par exemple indiquer que certains retards correspondent à des avoirs ou fournir des preuves que les retards sont liés à une prestation contestable, ou à tout autre cause qui l’exonère de sa responsabilité. La société pourra également soutenir que les règlements ne relèvent pas des dispositions de l’article L. 441-10 du code de commerce ou de toute autre disposition opposée par l’administration[12]. Les explications doivent évidemment être accompagnées des preuves nécessaires. De même, si cela n’a pas été fait durant le contrôle, la société pourra critiquer la méthode employée par l’administration et, notamment, l’échantillon retenu. Enfin, si les retards sont non contestables, la société pourra utilement informer l’administration du paiement à ses cocontractants, des pénalités de retard dues en vertu du code de commerce. D’ailleurs, dès le début des opérations de contrôle la société a tout intérêt à effectuer ces diligences.

En revanche, la société ne pourra exciper de l’absence de facturation de la part de son cocontractant, l’article L. 441-9 du Code de commerce posant le principe d’une co-responsabilité du vendeur et de l’acheteur en matière d’infraction aux règles de facturation[13], sauf à ce qu’elle apporte la preuve qu’elle aurait sollicité en vain l’établissement de ces documents.

En outre, afin de faciliter la compréhension et les échanges, la société pourra solliciter un entretien oral auprès de l’administration. Selon le Conseil d’État les dispositions de l’article L. 122-1 du CRPA également applicables, « font obligation à l’autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d’audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu’elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n’est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu’elle peut être écartée »[14]. Bien entendu, l’absence de réponse à une telle demande d’entretien oral entache la sanction d’illégalité[15]. De même, l’absence flagrante de prise en compte des éléments envoyés dans la réponse de la société, entache également la sanction d’illégalité[16].

Aux termes de la procédure contradictoire, l’administration notifie sa sanction à la société.

  1. Le prononcé de l’amende

D’abord, notons que l’amende administrative n’est qu’un type de sanctions parmi d’autres à la disposition de l’administration. En effet, selon l’article L. 470-1 du code de commerce, la DREETS peut également, selon la méthode de la « répression graduée », prononcer un avertissement ou une injonction de cesser les agissements illicites.

Dans les cas plus sévères, l’article L. 470-2 du code de commerce dispose que passé le délai de 60 jours imparti à la société pour présenter ses observations, « l’autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l’amende ».

Comme l’indique le code, qui ne fait que reprendre la prescription de l’article du L. 211-2 du CRPA, la décision doit être motivée. Selon l’article, L. 211-5 du même code, cette motivation « doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ». Les juridictions administratives considèrent que la motivation doit permettre à l’administré de comprendre les raisons de la sanction et au juge, d’en contrôler les motifs, ce qui est le cas dés lors que la sanction mentionne par exemple le nombre de retards, le délai moyen de retard, le montant concerné, et l’ampleur de la rétention de trésorerie.

Le montant de l’amende est fixé à l’article L. 441-16 du même code qui prévoit que :

« Est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale, le fait de : a) Ne pas respecter les délais de paiement prévus au I de l’article L. 441-10, au II de l’article L. 441-11, à l’article L. 441-12 et à l’article L. 441-13 ; (…) Le maximum de l’amende encourue est porté à 150 000 € pour une personne physique et quatre millions d’euros pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ».

Pour ce qui est du montant de l’amende en lui-même, celui-ci a longtemps été déterminé de façon assez floue, laissant ainsi les juridictions administratives libres d’apprécier le critère de la proportionnalité comme elles l’entendaient. Toutefois, les récentes lignes directrices ont apporté les précisions attendues par les professionnels. Le Ministère énonce que : « Le critère principal de détermination de l’amende est le montant de la rétention de trésorerie générée par les manquements. Ce montant se calcule en additionnant les gains en besoin de fonds de roulement (« BFR ») générés par les retards de paiement des factures concernées », selon la méthode suivante :

Gain en BFR =

Le résultat de ce calcul est ensuite ajusté en tenant notamment compte des paramètres suivants :

  • La taille de l’entreprise, en fonction de l’importance de son chiffre d’affaires ;
  • Les circonstances et la gravité des manquements[17] ;
  • Des éventuelles difficultés financières de la société[18].

L’amende n’excède pas le maximum légal de 2 millions d’euros visé aux articles L. 441-16 du code de commerce. Toutefois, en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive, à savoir lorsque toutes les voies de recours ordinaires ont été épuisées, ce maximum légal est de 4 millions d’euros.

Suivant la logique du « name and shame », la DGCCRF peut, en vertu du V de l’article L. 470-2 du code de commerce, publier la sanction sur son site internet mais également la faire publier sur d’autres supports (journaux …) aux frais du contrevenant. Toutefois, là encore, L’autorité administrative aura du préalablement informé la personne sanctionnée du principe, des modalités et de la durée de la publication[19]. Cette sanction se trouve elle aussi « nécessairement soumise, et alors même que la loi ne le prévoirait pas expressément, au respect du principe de proportionnalité »[20].

Ensuite, soulignons que la loi a prévu une prescription : le III de l’article L. 470-2 du code du commerce prévoit que « L’action de l’administration pour la sanction des manquements mentionnés au I se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été commis si, dans ce délai, il n’a été fait aucun acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de ce manquement ». En pratique, dans ses « lignes directrices » en la matière, le Ministère énonce que « Les contrôles des délais de paiement portent, sauf exceptions, sur une période d’un an correspondant au dernier exercice comptable clos ». En tout état de cause, la société objet d’une telle procédure veillera utilement à l’application de cette prescription.

L’existence d’un « bouclier pénal » au VI de l’article L. 470-2 du code de commerce n’est plus que théorique dés lors que la violation des délais de paiement a été dépénalisée.

  1. Les recours

Classiquement, une fois la décision notifiée, la société dispose de la possibilité de former un recours administratif dans les conditions prévues aux articles L. 410-1 à L. 411-7 du code des relations entre le public et l’administration.

Plus utilement, la société pourra déposer un recours devant le Tribunal administratif territorialement compétent. Le juge administratif se prononce sur les recours contre les sanctions administratives en tant que juge de plein contentieux[21]. Cela lui donne l’occasion de contrôler la proportionnalité de la sanction et éventuellement de la sanctionner en remplaçant sa propre appréciation à celle de l’administration[22].

En revanche, il est vain d’opposer des difficultés d’organisation interne, dès lors qu’il appartient aux entreprises de « prendre des mesures d’organisation interne » leur permettant de « régler ses fournisseurs dans le respect des délais de paiement fixés par l’article L. 441-6 du code de commerce »[23]. De même, la Cour administrative d’appel de Paris considère que l’administration n’a pas à caractériser un quelconque élément intentionnel de la part de la société[24].

Le principe du privilège du préalable en droit public implique que la décision est exécutoire dès sa notification. Théoriquement la société devra donc payer l’amende dés la notification du titre exécutoire correspondant.

Toutefois, ce titre de perception pourra lui aussi être contesté par une réclamation préalable et un recours contentieux. Les moyens de compétence et de forme[25] classique pourront être invoqués à son encontre[26]. La société devra également invoquer l’illégalité des titres par voie d’exception de l’illégalité de la sanction[27]. Plus intéressant, l’article L. 740-2 du code de commerce dispose que « L’amende est recouvrée comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine ». Or, sur la base des dispositions de l’article 117 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, il est jugé que « les recours administratifs ou contentieux formés à l’encontre des titres de perception destinés à assurer le recouvrement des créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine (…) ont un effet suspensif »[28]. Ainsi, la simple contestation suffit à suspendre le recouvrement de la créance.

Enfin, dans les cas les plus désespérés, les entreprises disposent toujours de la possibilité de solliciter un étalement du paiement de l’amende, auprès de la Direction des créances spéciales du Trésor, qui assure le recouvrement des sanctions prononcées pour manquements aux délais de paiement légaux.

  1. C. com. art. L. 441-14.

  2. Entre 8 heures et 20 heures, ils peuvent pénétrer dans tous lieux utilisés à des fins professionnelles et dans les lieux d’exécution d’une prestation de services. Lorsque ces lieux sont également à usage d’habitation, les contrôles ne peuvent être effectués qu’avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés ces lieux, si l’occupant s’y oppose. En dehors de ces horaires, ils peuvent également pénétrer dans ces mêmes lieux mais uniquement lorsque ceux-ci sont ouverts au public ou lorsqu’à l’intérieur de ceux-ci sont en cours des activités de production, de fabrication, de transformation, de conditionnement, de transport ou de commercialisation.

  3. Les agents peuvent exiger la communication et obtenir ou prendre copie, par tout moyen et sur tout support, des livres, factures et autres documents professionnels de toute nature, et, le cas échéant, de leurs moyens de déchiffrement, susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles, entre quelques mains qu’ils se trouvent, propres à faciliter l’accomplissement de leur mission. Ils peuvent exiger la mise à leur disposition des moyens indispensables pour effectuer leurs vérifications. Ils peuvent également recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification nécessaire au contrôle. Pour le contrôle des opérations faisant appel à l’informatique, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées ainsi qu’à la restitution en clair des informations propres à faciliter l’accomplissement de leurs missions. Ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.

  4. A cet égard, les lignes directrices du Ministère excluent du contrôle les factures intragroupes.

  5. L’absence de représentativité de l’échantillon pourra valablement être contesté devant le Tribunal (CAA de Bordeaux, 17 décembre 2021, n° 19BX03016 ; v. dans le même sens pour un problème d’échantillonnage : TA de Poitiers, 5 novembre 2019, n° 1801100).

  6. C. com. art. L. 470-2.

  7. Signalons que la preuve du contraire est extrêmement compliquée à rapporter devant le juge administratif. A titre d’exemple, une société pensait pouvoir rapporter cette preuve en produisant un constat d’huissier. La Cour relève toutefois que ce constat « se borne à relever que, parmi une sélection de quarante factures reçues par courrier le 27 mars 2015, le délai entre la date d’émission de la facture et la date de sa réception varie entre 7 et 64 jours » (CAA de Lyon, 9 juillet 2020, n° 18LY01368).

  8. La législation commerciale relative aux délais de paiement est d’ailleurs une transposition assez directe de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Toutefois, le doute reste permis à cet égard dés lors que cette directive ne mentionne à aucun moment l’obligation, pour les États membres, de prévoir des sanctions.

  9. Étude d’impact sur le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, 27 novembre 2017, p. 20 et 25 ; Rapport de la Commission spéciale de l’Assemblée nationale, 18 janvier 2018, p. 88.

  10. CE, EURL DLM Sécurité, 29 juin 2016, N° 398398, B ; CAA de Paris, 25 février 2022, n° 20PA03721.

  11. Ex : CAA de Paris, 15 février 2018, n° 16PA02957.

  12. Par exemple, le Tribunal administratif de Lyon a jugé que : « Il ressort des termes mêmes de l’article L. 443-1 du code de commerce que ces dispositions visent à sanctionner le dépassement des délais de paiement qu’elles fixent, nécessairement imputable au débiteur de l’obligation de payer. Elles n’ont ni pour objet ni pour effet de sanctionner l’octroi, par le créancier et par le biais de contrats de franchise de nature privée, dont il n’appartient au demeurant pas au juge administratif de connaître, de délais de paiement supérieurs aux délais légaux. Dès lors, en prononçant, sur le fondement des dispositions de l’article L. 443-1 2° du code de commerce, une sanction à l’encontre de la société Distribution Casino France pour avoir fait bénéficier à certains de ses débiteurs franchisés de délais de paiement excédant ceux fixés par les mêmes dispositions, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Auvergne-Rhône-Alpes a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de commerce » (TA de Lyon, 27 décembre 2018, n° 1708355).

  13. Ex : CAA de Lyon, 9 juillet 2020, n° 18LY01368.

  14. CE, 29 juillet 2020, n° 432267.

  15. Ex : CAA de Nantes, 5 octobre 2016, n° 14NT02723 ; CAA de Marseille, 10 juillet 2021, n° 19MA01640.

  16. Ex récent : CAA de Marseille, 17 juillet 2020, n° 18MA02853.

  17. Le fait que la société s’acquitte ou non de l’indemnité forfaitaire due de plein droit par le professionnel en situation de retard de paiement (TA de Lyon, 1er mars 2018, n° 1604528), le nombre de fournisseurs impactés par les délais, et plus généralement, « l’atteinte portée à l’ordre public économique par les manquements relevés » (CAA de Lyon, 9 juillet 2020, n° 18LY01368), l’importance relative du retard par rapport au délai maximum prévu par la réglementation (TA de Cergy-Pontoise, 30 juin 2020, n° 1801318).

  18. Dans un jugement, le Tribunal administratif de Poitiers a décidé de prendre en compte « les charges et ressources de la société » (TA de Poitiers, 5 novembre 2019, n° 1801100). Cependant, à cet égard, la Cour administrative d’appel de Paris semble avoir assez drastiquement fermé la porte à la mobilisation de ce critère. La cour estime que pour qu’une société puisse utilement invoquer ces difficultés celles-ci doivent être « de nature à compromettre la pérennité de son activité » (CAA de Paris, 7 juillet 2020, n° 18PA03828).

  19. TA de Cergy-Pontoise, 30 juin 2020, n° 1801318 ; CAA de Nancy, 6 juillet 2021, n° 19NC00777

  20. Ibid.

  21. TA de Poitiers, 5 novembre 2019, n° 1801100.

  22. Par exemple, la Cour de Marseille énonce que : « la trésorerie de la société Filclair a été négative à compter de l’exercice 2011, avec une tendance à l’aggravation jusqu’en 2016 du fait de pertes accumulées par la société Filclair qui a néanmoins maintenu son effectif de cinquante salariés. L’allongement des délais de paiement est donc, au moins pour partie, la conséquence des difficultés de trésorerie de l’entreprise. Dès lors, la société Filclair est fondée à soutenir qu’en arrêtant à 17 000 euros le montant de l’amende prononcée à son encontre, la DIRECCTE PACA a prononcé une amende d’un montant manifestement disproportionné » (CAA de Marseille, 11 octobre 2021, n° 19MA05488 ; dans le même sens, sur la disproportion de la sanction : CAA de Marseille, 14 juin 2021, n° 20MA00199 ; CAA de Paris, 7 juillet 2020, n° 19PA00009).

  23. CAA de Paris, 14 octobre 2021, n° 20PA01924.

  24. Ibid.

  25. Ainsi, en cas de contestation de la forme et en particulier de l’absence de la signature de l’auteur du titre, l’administration est dans l’obligation de justifier que l’état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de son auteur. Un titre de perception comportant les nom, prénom et qualité d’une personne distincte de celle qui a effectivement signé le bordereau des titres de perception encourt l’annulation (CAA de Nantes, 3 juin 2022, n° 21NT02575).

  26. L’article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique impose que tout titre indique « les bases de la liquidation ».

  27. Ex récent : CAA de Lyon, 9 juillet 2020, n° 18LY02830.

  28. CAA de Paris, 12 novembre 2020, n° 19PA03745.

Marchés publics : la Cour des comptes européenne sévère à l’égard de la Commission

Marchés publics : la Cour des comptes européenne sévère à l’égard de la Commission

Dans un récent rapport spécial 28/2003 relatif aux marchés publics passés au sein de la zone européenne, la Cour des Comptes européenne ne mache pas ses mots sur la politique menée par la Commission européenne, et notamment sur les directives de 2014, dont est directement issu notre code de la commande publique français. Explications.

Un cadre juridique européen

Rarement un rapport de cette institution assez méconnue n’aura autant fait parler de lui. C’est pourtant le cas du document publié ce 4 décembre 2023 par la Cour des comptes européenne (équivalent de notre Cour des comptes au niveau de l’Union européenne). Le jugement est tel, qu’immédiatement après la publication du rapport, la Commission européenne a souhaité répondre publiquement par un communiqué de presse.

Le rapport avait pour but, selon la CCE, d’évaluer l’utilisation des deniers affectés au marchés publics et surtout le niveau de concurrence de ces marchés, celui-ci devant bien entendu être le plus important possible. En effet, la Cour note que chaque année, quelque 2 000 milliards d’euros, soit 14 % du produit intérieur brut de l’UE, font l’objet de marchés publics. Etant donné l’importance des marchés publics, l’Union européenne devait, d’un point de vue démocratique, se doter dotée d’un cadre juridique adéquat. Celui-ci comprend trois directives, dont deux ont fait l’objet d’une réforme en 2014, la troisième, nouvelle, étant ajoutée cette année-là.

Avec cette refonte, l’Union entendait assouplir les marchés publics, grâce à des procédures simplifiées, améliorer l’accès des PME à la commande publique et faciliter une utilisation plus stratégique des marchés publics pour en tirer de meilleurs résultats. La réforme de 2014 visait également à renforcer les exigences en matière de transparence et à durcir les dispositions relatives à l’intégrité afin de lutter contre la corruption et la fraude.

Ces directives européennes ont été transposées directement dans le code de la commande publique français entré en vigueur le 1er avril 2019.

Un jugement sévère de la Cour

Le résultat de l’analyse de la Cour est sans appel. Pour résumer elle note que « le niveau de concurrence dans les marchés publics pour la fourniture de travaux, de biens et de services au sein du marché unique de l’UE a diminué au cours de la dernière décennie » et ce, en dépit des mesures de simplification et d’ouverture aux PME introduites par les directives de 2014.

Pour arriver à cette conclusion, les magistrats financiers constatent, après analyse des statistiques, une « augmentation globale significative des marchés à soumissionnaire unique », un « niveau élevé d’attribution directe de marchés dans la plupart des États membres », ainsi qu’un « faible nombre de marchés publics transfrontaliers directs entre les États membres ».

Ainsi, pour la Cour, l’entrée en vigueur des directives réformées n’a clairement pas eu d’effet démontrable. Pire, la juridiction financière note que les soumissionnaires et les pouvoirs adjudicateurs estiment souvent que les procédures de marché public continuent de générer une charge administrative importante. A cet égard, la réforme de 2014 est restée largement inefficace en termes de réduction des formalités administratives, les procédures s’étant allongées de près de 50 % au cours de la dernière décennie.

De plus, et peut-être plus inquiétant pour nos PME, la Cour s’étonne qu’il n’y ait pas eu de « hausse sensible de la part des petites et moyennes entreprises participant aux marchés publics », ce qui était pourtant un objectif clairement affiché des directives de 2014. De même, les aspects stratégiques (liés à l’environnement, aux conditions sociales et à l’innovation, par exemple) sont visiblement rarement pris en compte dans les appels d’offres publics puisqu’on constate que globalement, les soumissionnaires les plus bas continuent remporter la majorité des contrats.

Enfin, la Cour estime la transparence, qui constitue un rempart essentiel contre le risque de fraude et de corruption, « fait les frais de taux de publication qui stagnent à des niveaux faibles » (d’où un nombre d’entreprises soumettant des offres ayant presque diminué de moitié depuis 2011).

Les suites du rapport

Après cette analyse sévère, la Cour des comptes invite la Commission à :

  • Clarifier et hiérarchiser les objectifs en matière de marchés publics ;
  • Combler les failles dans les données collectées sur les marchés publics ;
  • Améliorer ses outils de suivi afin de permettre une meilleure analyse ;
  • Etudier plus en détail les causes profondes de la faible concurrence et proposer des mesures qui visent à lever les principaux obstacles à la concurrence dans les marchés publics.

Dans une réponse publiée par voie de communiqué de presse le 5 décembre dernier, la Commission européenne reconnait globalement les lacunes pointées du doigt par la Cour des comptes et s’engage notamment sur les quatre recommandations avec des actions très précises à dérouler d’ici 2025.

Marchés publics : la Cour des comptes européenne sévère à l’égard de la Commission

Dans un récent rapport spécial 28/2003 relatif aux marchés publics passés au sein de la zone européenne, la Cour des Comptes européenne ne mache pas ses mots sur la politique menée par la Commission européenne, et notamment sur les directives de 2014, dont est directement issu notre code de la commande publique français. Explications.

Un cadre juridique européen

Rarement un rapport de cette institution assez méconnue n’aura autant fait parler de lui. C’est pourtant le cas du document publié ce 4 décembre 2023 par la Cour des comptes européenne (équivalent de notre Cour des comptes au niveau de l’Union européenne). Le jugement est tel, qu’immédiatement après la publication du rapport, la Commission européenne a souhaité répondre publiquement par un communiqué de presse.

Le rapport avait pour but, selon la CCE, d’évaluer l’utilisation des deniers affectés au marchés publics et surtout le niveau de concurrence de ces marchés, celui-ci devant bien entendu être le plus important possible. En effet, la Cour note que chaque année, quelque 2 000 milliards d’euros, soit 14 % du produit intérieur brut de l’UE, font l’objet de marchés publics. Etant donné l’importance des marchés publics, l’Union européenne devait, d’un point de vue démocratique, se doter dotée d’un cadre juridique adéquat. Celui-ci comprend trois directives, dont deux ont fait l’objet d’une réforme en 2014, la troisième, nouvelle, étant ajoutée cette année-là.

Avec cette refonte, l’Union entendait assouplir les marchés publics, grâce à des procédures simplifiées, améliorer l’accès des PME à la commande publique et faciliter une utilisation plus stratégique des marchés publics pour en tirer de meilleurs résultats. La réforme de 2014 visait également à renforcer les exigences en matière de transparence et à durcir les dispositions relatives à l’intégrité afin de lutter contre la corruption et la fraude.

Ces directives européennes ont été transposées directement dans le code de la commande publique français entré en vigueur le 1er avril 2019.

Un jugement sévère de la Cour

Le résultat de l’analyse de la Cour est sans appel. Pour résumer elle note que « le niveau de concurrence dans les marchés publics pour la fourniture de travaux, de biens et de services au sein du marché unique de l’UE a diminué au cours de la dernière décennie » et ce, en dépit des mesures de simplification et d’ouverture aux PME introduites par les directives de 2014.

Pour arriver à cette conclusion, les magistrats financiers constatent, après analyse des statistiques, une « augmentation globale significative des marchés à soumissionnaire unique », un « niveau élevé d’attribution directe de marchés dans la plupart des États membres », ainsi qu’un « faible nombre de marchés publics transfrontaliers directs entre les États membres ».

Ainsi, pour la Cour, l’entrée en vigueur des directives réformées n’a clairement pas eu d’effet démontrable. Pire, la juridiction financière note que les soumissionnaires et les pouvoirs adjudicateurs estiment souvent que les procédures de marché public continuent de générer une charge administrative importante. A cet égard, la réforme de 2014 est restée largement inefficace en termes de réduction des formalités administratives, les procédures s’étant allongées de près de 50 % au cours de la dernière décennie.

De plus, et peut-être plus inquiétant pour nos PME, la Cour s’étonne qu’il n’y ait pas eu de « hausse sensible de la part des petites et moyennes entreprises participant aux marchés publics », ce qui était pourtant un objectif clairement affiché des directives de 2014. De même, les aspects stratégiques (liés à l’environnement, aux conditions sociales et à l’innovation, par exemple) sont visiblement rarement pris en compte dans les appels d’offres publics puisqu’on constate que globalement, les soumissionnaires les plus bas continuent remporter la majorité des contrats.

Enfin, la Cour estime la transparence, qui constitue un rempart essentiel contre le risque de fraude et de corruption, « fait les frais de taux de publication qui stagnent à des niveaux faibles » (d’où un nombre d’entreprises soumettant des offres ayant presque diminué de moitié depuis 2011).

Les suites du rapport

Après cette analyse sévère, la Cour des comptes invite la Commission à :

  • Clarifier et hiérarchiser les objectifs en matière de marchés publics ;
  • Combler les failles dans les données collectées sur les marchés publics ;
  • Améliorer ses outils de suivi afin de permettre une meilleure analyse ;
  • Etudier plus en détail les causes profondes de la faible concurrence et proposer des mesures qui visent à lever les principaux obstacles à la concurrence dans les marchés publics.

Dans une réponse publiée par voie de communiqué de presse le 5 décembre dernier, la Commission européenne reconnait globalement les lacunes pointées du doigt par la Cour des comptes et s’engage notamment sur les quatre recommandations avec des actions très précises à dérouler d’ici 2025.

Loi immigration : la nouvelle amende administrative pour emploi d’étrangers sans titre

Loi immigration : la nouvelle amende administrative pour emploi d’étrangers sans titre

Peu importe la régularité de la relation de travail structo-sensu, l’emploi d’un salarié étranger sans titre est une infraction qui permettait à l’OFII, jusqu’au 26 janvier 2024, de prononcer une importante amende administrative. Le volet « travail » de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 a modifié cette amende administrative tout en renvoyant à des décrets d’application pour les détails de sa mise en œuvre.

Illégalité de l’embauche d’un étranger sans titre

L’article L. 8251-1 du code du travail est clair : « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ». La même interdiction vaut également lorsque le salarié possède un titre mais que l’employeur l’embauche pour une profession ou dans une zone géographique autres que celles mentionnées dans son titre.

Le salarié étranger, lui, possède les mêmes droits que n’importe quel autre salarié. Il est même considéré comme une victime de l’illégalité commise par son employeur et a la possibilité, à ce titre, de demander le rappel de certains droits. Il pourra éventuellement demander à bénéficier d’un titre de séjour régularisant sa situation. En revanche, pour ce qui est de l’employeur, il sera considéré comme ayant commis des faits de travail illégal.

Le constat pourra être réalisé par voie de procès-verbal lors d’un contrôle administratif (souvent effectué via les CODAF). Mais la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 a étendu la faculté de constat non plus aux seuls procès-verbaux (principalement de la police, gendarmerie et inspection du travail) mais également aux rapports de l’inspection du travail ce qui pourrait mathématiquement augmenter le nombre de sanctions de ce type.

La procédure contradictoire

Les procès-verbaux de constat ou rapports de contrôle sont ensuite transférés au Ministre de l’Intérieur qui sera chargé de mener une procédure contradictoire. Le flou demeure sur le contenu de cette procédure dont le contenu sera détaillé dans un futur décret.

Pour l’heure, il est tout de même possible de prévoir les choses suivantes : s’agissant d’une sanction administrative, l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration obligera nécessairement le Ministre à informer la personne visée dans le procès-verbal (ou rapport de contrôle) de l’engagement d’une procédure à son encontre et de la possibilité de présenter des observations. Le délai laissé à l’employeur devra nécessairement être un « délai raisonnable » (actuellement fixé à 15 jours à compter de la réception du courrier).

Il est clair que la jurisprudence prévalant actuellement, non seulement sur la possibilité d’accéder au procès-verbal sur demande dans le délai laissé pour présenter ses observations (CE, EURL DLM Sécurité, 29 juin 2016, N° 398398), mais également sur l’obligation pour l’administration d’inscrire cette possibilité dans le courrier à destination de l’employeur (CE, 30 décembre 2021, N° 437653), prévaudra également dans le cadre de cette nouvelle amende.

Dans le délai prévu pour présenter des observations, l’employeur pourra également exiger d’être reçu par les services du ministre afin de présenter des observations orales.

Le prononcé de l’amende

A l’issue de la période contradictoire, et en l’absence d’éléments à décharge de l’employeur, le Ministre sanctionnera l’employeur. La sanction consiste en une amende administrative unique qui remplace les deux sanctions précédentes (contribution forfaitaire et contribution spéciale). Une circulaire du 5 février dernier signée du Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et du Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti précise qu’elle sera prononcée par les services de la direction de l’immigration de la DGEF.

L’article L. 8253-1 du code du travail énonce que « lorsqu’il prononce l’amende, le ministre chargé de l’immigration prend en compte, pour déterminer le montant de cette dernière, les capacités financières de l’auteur d’un manquement, le degré d’intentionnalité, le degré de gravité de la négligence commise et les frais d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière ».

Pour ce qui est du montant de l’amende, il est borné à un maximum de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (actuellement 3,94 €). Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés.

Les voies de recours

Un employeur sanctionné pourra bien évidemment contester tant le principe que le montant de l’amende. Il pourra former à l’encontre de la sanction un recours gracieux ou contentieux dans les deux mois de sa notification. Parallèlement, il pourra contester le titre de perception, contestation qui aura pour effet de suspendre le recouvrement de la créance.

De nombreux arguments peuvent être invoqués. La forme d’abord : la décision doit être motivée en droit comme en fait et doit comporter le nom, prénom et la fonction de son signataire. La procédure contradictoire doit avoir été respectée. Surtout, sur le fond, l’employeur pourra faire valoir l’absence d’élément intentionnel : il n’est pas rare que des étrangers se procurent de faux documents d’identité ou de faux titres de séjour. Enfin, il pourra également plaider l’absence de lien de subordination, éléments essentiels à caractériser l’existence d’une relation de travail.

Collectivités : Qui doit statuer sur une demande de protection fonctionnelle visant la hiérarchie ?

Collectivités : qui doit statuer sur une demande de protection fonctionnelle visant la hiérarchie ?

Le principe de la protection fonctionnelle permet à tout agent publique (et même au-delà) de pouvoir bénéficier de la protection de son employeur pour tout dommage ou attaque subie en raison ou à l’occasion de l’exercice des fonctions. Toutefois, lorsque l’attaque consiste en des faits de harcèlement (moral ou sexuel) commis par la hiérarchie voire par l’exécutif de la collectivité, vers qui l’agent public doit-il se tourner ? Une récente décision de la Cour administrative d’appel de Paris fait le point sur cette question (CAA Paris 26 janvier 2024 22PA04963, C+).

Le principe de la protection fonctionnelle

Désormais codifié à l’article L 134-1 du Code général de la Fonction Publique (CGFP), le droit à la « protection fonctionnelle » implique que chaque agent public (y compris contractuel donc) puisse accéder à la protection de son employeur lorsque, dans le cadre ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, celui-ci subit des attaques ou dommages quelconques.

La demande doit être faite par l’agent victime auprès de son employeur, c’est-à-dire la personne ayant le pouvoir de nomination. Elle peut être faite en cas de dommage matériel, psychologique ou bien sûr corporel. Elle concerne donc les attaques physiques par des administrés à l’encontre de la personne de l’agent public ou les attaques matérielles visant les biens de l’agent (classiquement la voiture d’un agent). La demande peut également être faite en cas de dommage subit par un proche de l’agent dés lors qu’il est possible de lier l’attaque aux fonctions de l’agent.

La protection offerte par l’employeur doit être efficace et à même de prévenir, faire cesser eu/ou de réparer le dommage. Le plus souvent, cette protection prend la forme d’un paiement des honoraires de l’avocat choisi par l’agent pour le représenter dans l’engagement des actions à l’encontre des auteurs des faits. Elle peut toutefois aller bien au-delà : réparation du préjudice financier, moral ou physique, déplacement de l’agent, poursuite (éventuellement pénales) des personnes responsables. Il a même été jugé que cette protection pouvait consister, pour l’employeur d’un agent publiquement diffamé, à lui permettre de publier un droit de réponse dans un journal local (CE, 24 juillet 2019, n° 430253). … Si dans sa demande, l’agent peut suggérer les formes de la protection, c’est en revanche à l’employeur d’évaluer quelles actions sont les plus adéquates.

Application pour des faits de harcèlement

Le harcèlement moral à l’encontre d’un agent public est défini comme un ensemble « d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Il s’agit bien entendu d’un délit pénalement répréhensible, mais aussi d’une faute disciplinaire qui autorise une radiation des cadres.

Dans la fonction publique, le harcèlement moral est presque exclusivement le fait de collègues ou de la hiérarchie de l’agent. Ces faits entrent dans le champ d’application de la protection fonctionnelle (CE, 23 décembre 2014, n° 358340).

Ainsi, lorsqu’il subit des faits de harcèlement moral, l’agent public peut, à raison, solliciter le bénéfice de la protection fonctionnelle. Les formes de la protection sont nécessairement adaptées à ces attaques d’un genre particulier : déplacement ou mutation de l’agent victime, ou inversement, de l’agent ou des agents harceleurs, réparation financière, paiement des frais d’avocat, engagement de procédures pénales et surtout disciplinaires à l’encontre des agents responsables … les actions peuvent être multiples.

En cas de rejet de la demande, le juge adapte la charge de la preuve. Il estime que « l’intéressé qui conteste cette décision doit soumettre au juge des éléments de faits susceptibles d’en faire présumer l’existence, à charge pour l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ».

Une nécessaire conjugaison avec le principe d’impartialité

Bien souvent les faits de harcèlement sont le fait de la hiérarchie de l’agent victime. Parfois, pour les collectivités, ces faits proviennent même directement de l’exécutif local (Maire, président d’établissement public …). En théorie, l’agent victime est donc contraint de solliciter sa protection … à la personne même dont il s’estime victime. Un comble, qui ne se résolvait, jusqu’à récemment, qu’à la suite d’un passage devant le Tribunal administratif qui annulait le refus de protection fonctionnelle et enjoignait à l’autorité en cause d’accorder cette protection.

Le conseil d’Etat a mis fin à cette situation ubuesque par une décision du 29 juin 2020, dans laquelle il énonce que « Il résulte du principe d’impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné » (CE, 29 juin 2020, n°423996).

L’exécutif ne peut donc pas statuer sur la demande de protection du fonctionnaire. Mais alors, qui le peut ? La Cour Administrative d’Appel de Paris, s’appuyant sur le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 portant application de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, estime que dans ce cas précis, l’exécutif local doit prendre « un arrêté désignant l’adjoint qui sera chargé de se prononcer, en toute indépendance, (…) sur la demande de protection fonctionnelle ». En conséquence, la Cour enjoint au Maire de prendre cet arrêté et à cet adjoint d’examiner la demande dans le délai d’un mois à compter de sa désignation.

CAMBRAI :
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NICOLAS TAQUET