Dans une série d’arrêts, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence annule plusieurs redressement URSSAF, faute d’avis de contrôle régulièrement notifié avant le début effectif du contrôle (CA Aix-en-Provence, 19-04-2024, n° 22/05148, n° 21/05168, n° 22/04204, 22/04202).
L’exigence d’un avis de contrôle
Selon l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale : « Tout contrôle effectué en application de l’article L. 243-7 est précédé, au moins trente jours avant la date de la première visite de l’agent chargé du contrôle, de l’envoi par l’organisme effectuant le contrôle des cotisations et contributions de sécurité sociale d’un avis de contrôle ».
Bien sûr, cette disposition n’est pas applicable dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l’article L.8221-1 du code du travail, c’est-à-dire les faits de travail dissimulé.
Il est toujours possible de reporter la date de la première visite inscrite dans l’avis de contrôle (période de vacances, absence du comptable …). La demande peut être faite par la société mais également par l’URSSAF. Mais dans ce cas, la cour de cassation a jugé qu’au cas où l’URSSAF entend reporter la date de la première visite de ses inspecteurs du recouvrement, il lui incombe d’en informer « en temps utile et par tout moyen approprié » l’employeur ou le travailleur indépendant, et de rapporter la preuve de la réception de l’information en cas de recours contentieux (2e Civ., 15 mars 2018, pourvoi n°17-13.409, Aa. 2018, II, n°50).
L’intérêt de l’avis de contrôle
Cet avis de contrôle est fondamental pour le cotisant car il doit faire état de l’existence d’un document intitulé « Charte du cotisant contrôlé » lui présentant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue. Il précise l’adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu’il est adressé au cotisant sur sa demande.
De même, l’employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l’avis prévu à l’alinéa précédent.
Ainsi que le résume la Cour d’appel d’Aix-en-Provence : « L’avis de contrôle a ainsi pour objet d’une part d’informer le cotisant de la date de la première visite de l’inspecteur du recouvrement, et d’autre part de ses droits, dont celui lui permettant d’être assisté lors de celui-ci, et par conséquent de ses droits de la défense. Il doit être envoyé au cotisant par un document permettant de rapporter la preuve de sa réception, les dispositions applicables n’impliquant pas exclusivement l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception ».
Panique de l’URSSAF qui envoie deux avis de contrôle
Dans cette histoire, l’URSSAF justifiait avoir adressé à la société un premier avis de contrôle par LRAR du 18 février 2016, mentionnant que les inspecteurs du recouvrement se présenteront le 4 avril 2016 vers 9h30.
Mais, visiblement, l’URSSAF a été pris de panique au moment du contrôle car ses agents se sont rendus compte que la lettre du 18 février (avis de contrôle) avait été réceptionnée par une autre personne à la même adresse.
Mais la panique n’est pas bonne conseillère … pensant qu’il s’agissait d’une erreur de notification qui aurait pu être en mesure d’entraîner la nullité du redressement, l’URSSAF a alors en vitesse, notifié à la société un deuxième avis de contrôle par courrier du 5 avril 2016 (soit le lendemain du jour ou le contrôle devait débuter). La date de réception de cet avis n’est pas connue. La Cour note à cet égard que « Cet avis de contrôle daté du 5 avril 2016, qui est par conséquent destiné à régulariser la difficulté tenant à l’accusé de réception du premier, implique que le contrôle n’a pas débuté le 4 avril ». Problème supplémentaire : cet avis de contrôle du 5 avril 2016 indique que les inspecteurs se présenterons finalement … le 6 avril 2016, soit le lendemain.
La Cour sanctionne ce comportement très clairement abusif de l’URSSAF.
Elle estime que : « L’URSSAF ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, d’avoir informé la cotisante, dans un délai suffisant, compatible avec son droit d’assistance, du report au 6 avril 2016 du contrôle ayant fait l’objet d’un avis régulièrement délivré fixant la date de début du contrôle au 4 avril 2016, alors que cette lettre du 6 avril 2016, est datée par l’URSSAF elle-même, de la date effective du début du contrôle. Il en résulte que les droits de la défense de la cotisante n’ont pas été respectés. L’atteinte qui y a ainsi été portée a pour conséquence la nullité des opérations de contrôle, du redressement et de la mise en demeure subséquente. »
Ironie de l’histoire : le premier avis de contrôle était en réalité régulier
Mais le plus drôle dans cette histoire est que la Cour note, à l’égard du courrier du 18 février 2016, que : « La circonstance que le tampon humide du groupement d’intérêt économique, et non celui de la cotisante, ait été apposé sur l’accusé de réception, qui est étrangère l’URSSAF, ne peut en effet avoir pour conséquence d’affecter la validité de cet avis de contrôle ». Bref, pour la Cour le premier avis de contrôle avait régulièrement été notifié.
Finalement, l’URSSAF a tenté de régulariser une procédure … qui était régulière, mais elle a mal fait cela et a définitivement vicié la procédure. L’URSSAF a fait pire que mieux. Très ironique.
Nicolas Taquet
Avocat au barreau de Pau