Il manque une signature ? C’est la nullité du redressement URSSAF
Conformément à une jurisprudence constante en la matière, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence vient d’annuler un redressement pour travail dissimulé car la lettre d’observations n’était pas signée par le Directeur de la Caisse (CA Aix-en-Provence, 15 avril 2024, n° 22/07830).
Des classiques faits de travail dissimulé
Les faits d’espère étaient classiques : un soir de mars 2015, un petit groupe de policiers et d’inspecteurs de l’URSSAF ont opéré un contrôle surpris dans une série d’établissements. Le but est de débusquer des faits de travail dissimulé. Le cas le plus classique est celui de l’absence de DPAE. Dans un magasin, l’URSSAF note que « deux personnes se trouvent derrière le comptoir du bar pour la préparation des boissons, une personne se trouve en salle pour la prise des commandes et le service des clients et une personne se trouve derrière la table de mixage pour l’animation de la soirée ». Ces quatre personnes sont inconnues de l’URSSAF, c’est-à-dire en situation de travail dissimulé.
Résultat : une mise en demeure en date du 22 septembre 2015 d’un montant total de 8 035 euros dont 6 593 euros de cotisations outre 955 euros de majorations de redressement et 487 euros de majorations de retard.
Après un rejet de sa contestation par la Commission de Recours Amiable puis par le Tribunal Judiciaire, la société ne perd pas espoir de faire annuler sa dette et fait appel.
Contrôle d’assiette et contrôle pour recherche de travail dissimulé : deux procédures contradictoires distinctes
La Cour d’Appel rappelle que dans son arrêt du 9 octobre 2014 (2e Civ., 13-16.110), la Cour de cassation a posé le principe de l’autonomie de la procédure de contrôle de droit commun de celle fondée sur les articles L.8271-1 et suivants du code du travail.
En effet, selon la Cour, « les dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables aux opérations ayant pour objet la recherche et la constatation d’infractions constitutives de travail illégal, engagées sur le fondement des articles L.8271-1 et suivants du code du travail ».
Ainsi, lorsqu’elle commence un contrôle basé sur les dispositions de l’article L.8271-1 et suivants du code du travail, l’URSSAF doit suivre cette procédure jusqu’au bout et ne peut emprunter (on serait presque tenté de dire « choisir ») les dispositions applicables au cas de contrôle d’assiette classique, de droit commun.
Lutte contre le travail dissimulé : signature obligatoire de la lettre d’observations par le Directeur de l’organisme
En matière de lutte contre le travail dissimulé, l’ancien article R.133-8 du code de la sécurité sociale disposait que « lorsqu’il ne résulte pas d’un contrôle effectué en application de l’article L.243-7 du présent code (…), tout redressement consécutif au constat d’un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l’employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l’organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ».
Or, la Cour d’Appel note que « la lettre d’observations datée du 5 juin 2015, mentionne que l’objet du contrôle est la ‘recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l’article L.8221-1 du code du travail ». Elle en conclue donc que l’URSSAF s’est implicitement placée sur le terrain de l’article L.8271-1 et suivants du code du travail.
Par suite, conformément aux dispositions de l’article R.133-8 du code de la sécurité sociale, la lettre d’observations devait être signée par le Directeur de l’URSSAF.
Or, la Cour constate que tel n’est pas le cas. Elle ne le dit pas, mais sans doute la lettre d’observations a été signée simplement par l’inspecteur présent au moment du contrôle. Et à défaut de sa signature par le directeur de l’organisme de recouvrement, la lettre d’observations est affectée d’une irrégularité de fond, justifiant l’annulation de l’entier redressement, sans même que soit exigée la preuve d’un préjudice. (2e Civ., 7 septembre 2023, n°21.20657, 2e Civ., 9 octobre 2014, n°13-19493).
On ne le répètera jamais assez : c’est principalement par des moyens de forme et de procédure qu’il est possible de faire annuler un redressement URSSAF.
Nicolas Taquet
Avocat au barreau de Pau